Chapitre 2

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Mon réveil a sonné une nouvelle fois ce matin. Mais, contrairement à ces deux derniers mois, il a sonné à 6h30.
Aujourd'hui, je retourne au lycée.

Le lycée. Je placerais cet endroit en deuxième position du classement des lieux dans lesquels je me sens le mieux. Simplement parce que je me plonge dans mes livres et mes cours toute la journée, loin de chez moi, et de mon père.
Alors, contrairement à une grande majorité de lycéens, entendre le réveil sonner à 6h30 ne me dérange pas.
A l'inverse, cela me soulage presque.

Mon père part tôt, aux alentours de 5h. Il travaille dans une entreprise de livraison à domicile. Ainsi, le matin, la maison est silencieuse, je n'ai rien à craindre.
Je descends dans la cuisine afin de manger rapidement un petit déjeuner qui me remplira jusqu'à la pause de midi puis je prépare mon repas de celle ci et je monte ensuite m'habiller. Un rapide coup d'œil dans le miroir pour regrouper mes longs cheveux bruns en un chignon désordonné, et me voilà prête à partir.

Je ne prends pas le bus. Qu'il neige, qu'il pleuve ou qu'il fasse bien trop froid, je marche. Marcher m'aide à penser, à tout, à rien. Penser m'apaise énormément. Penser c'est laisser libre court à son imagination pour diriger notre esprit vers ce que l'on souhaite explorer. Pas ce que l'on doit. Ce que l'on veut. Alors, marcher jusqu'à mon lycée en pensant, c'est une des choses que je préfère faire.

De plus, ne pas prendre le bus m'empêche également de côtoyer les autres élèves. Ce n'est pas tellement que je n'en ai pas envie, plutôt que je ne peux pas. J'ai bien trop peur que l'un d'entre eux s'aperçoive de mes bleus par accident ou remarque que quelque chose ne va pas chez moi et en parle à un professeur ou un membre de l'équipe du lycée. Si cela arrive, je sais que mon père entrera dans une colère noire, terrible. Il m'a donc interdit de fréquenter qui que ce soit. Je dois être de retour à la maison directement après les cours, pas de délais possibles, et je ne peux inviter personne chez nous.

Ainsi, après la mort de maman, les rares amis que je m'étais fait tout au long de mes années au collège ont tenté de me soutenir et de rester à mes côtés, mais, très vite, la nécessité pour moi de m'occuper de mon père les premiers mois et de la maison à partir de ce moment là, les a petit à petit éloigné.
De plus, je me sentais bien trop coupable de ce qu'il s'était passé pour reproduire une erreur du même type et je me suis donc faite la promesse de ne plus me lier d'amitié avec qui que ce soit.
Cette interdiction de socialisation ne m'a donc pas dérangé plus que ça, ne voulant pas moi même m'attarder après les cours pour rejoindre qui que ce soit.
Bien sur, le fait de sortir en groupe le soir après la dernière heure de classe pour trainer dehors avant de tous rentrer chez nous pour diner, me manque. Avant que tout ceci n'arrive, j'avais quelques amis avec qui je restais après les cours. Nous nous installions dans l'herbe ou dans un café selon la saison et nous discutions, de tout et de rien, seulement pour se retrouver entre nous et profiter de temps extra scolaire ensemble.
Et puis, lorsqu'il commençait à faire nuit aux alentours de 19 ou 20 heures, nous rentrions chacun à pied ou en vélo.
Et nous recommencions le lendemain.

Je pousse un soupir nostalgique. Il est vrai que cette période de ma vie me manque parfois.
Maintenant, à 17h30 tapantes je dois être chez moi. Mon père n'est jamais là pour le vérifier puisqu'il rentre généralement plus tard que moi. Mais je sais que d'une manière ou d'une autre, il le saurait si je ne respectais pas l'horaire prescrit. Je ne me suis jamais amusée à le défier, lui ou ses règles. Il ne vaudrait mieux pas.

Je sors une cigarette de mon paquet et, sous la chaleur déjà présente de ce lundi matin, je l'allume à l'aide de mon briquet. La première latte est toujours la moins agréable. Parce que je sais que fumer n'est pas bon pour mon corps et ma santé. Que ce que je fais n'arrangera en aucun cas les choses.
Mais, à partir de la deuxième, la culpabilité s'évapore au même titre que la fumée que je recrache. Parce que, même si fumer n'arrangera rien, ça m'aide. Je ne saurais pas comment l'expliquer.
Quand j'ai commencé, il y a un an, je n'avais pas aimé d'emblée, j'avais même le sentiment qu'elle m'étouffait, la cigarette. Et puis, au fil du temps, je ne suis plus arrivée à démêler l'habitude de la passion. Parce que la cigarette me fait du bien. C'est moi seule qui décide de me pourrir la santé.
Et avoir ce genre de choix lorsque ma vie est un désordre total, ça me fait du bien. Si je ne fume pas, je me sens démunie, privée de mon libre arbitre et de mes choix.
Lorsque je fume, j'ai le sentiment de contrôler au moins, une toute petite partie de mon existence. Alors, même si la cigarette peut me détruire physiquement, elle me fait du bien mentalement.
Ou, du moins, j'aime penser qu'elle me fait du bien.

Heal me • Finn WolfhardWhere stories live. Discover now