Chapitre 14

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Je suis assise sur la chaise en face de ma fenêtre, les jambes étendues sur le rebord de celle ci.

Il doit être neuf heures environ.
Neuf heures du matin.
Et je suis en train de fumer, la nicotine se répandant dans mes poumons, mes pensées divaguant à miles lieux de l'endroit où je suis maintenant.

Je pense à ma mère.
À ce qu'elle dirait si elle savait. Si elle savait ce que mon père faisait.

Hier soir, lorsque je suis rentrée à la maison après être passée en vitesse acheter du lait et du pain au supermarché d'à côté pour tenter de donner de la crédibilité à mon mensonge, mon père m'attendait, assis sur le fauteuil du salon.

Il le savait. Il savait pertinemment que j'avais menti. Je l'ai vu dans son regard. Dans son regard, bien que vitreux du à la quantité d'alcool qu'il avait du boire, il restait perçant.

Alors il a simplement fait ce qu'il a l'habitude de faire lorsqu'il a bu et qu'il est en colère.

Je pose une main sur mes côtes et soulève légèrement mon t-shirt. La douleur est terrible. Ma peau est marquée de bleus. Je soupire et remets le vêtement en place avant de me focaliser à nouveau sur le paysage extérieur par delà la fenêtre, tentant de ne plus y penser.

Si ma mère était encore là, tout cela ne serait jamais arrivé. Immédiatement, un sentiment de culpabilité m'envahit à nouveau. Elle frappe comme un coup de poignard dans le creux de ma poitrine et, petit à petit, envahit le reste de mon corps.

Aujourd'hui est un jour noir.
Lorsque l'accident a eu lieu, j'ai eu le droit à des séances chez le psychologue pendant les premiers mois avant que la situation avec mon père ne se détériore. Je n'ai jamais rien osé dire à ce psy. Je voulais simplement qu'il me laisse seule. Je n'avais aucune envie de raconter ma vie à un inconnu, et encore moins la mort de maman. Tout ce qu'il savait faire, c'était hocher de la tête à chaque fois qu'un mot franchissait mes lèvres, tout en prenant des notes sur son carnet, me répétant qu'il comprenait. Et intérieurement, j'avais simplement envie de hurler qu'il ne comprenait rien du tout.
Qui était-il pour oser prétendre qu'il pouvait imaginer ou même comprendre ce que je ressentais ? Personne ne pouvait comprendre, car personne ne la connaissait comme je le faisais et, surtout, personne ne l'aimait comme je le faisais.

Quoiqu'il en soit, ce psy m'avait appris ce système de jours blancs, gris ou noirs.
Un jour blanc était ce que l'on appelait communément une bonne journée. Le souvenir de maman était encore présent mais cela ne m'empêchait pas de rire ou de passer d'agréables moments. Je n'ai pas eu de jours blancs depuis l'accident.
Jusqu'à Finn. Quand il m'a bousculé le jour de la rentrée et s'est ainsi entêté à devenir mon ami, sans le savoir, il a tout changé. Les jours blancs étaient de plus en plus nombreux. Parce qu'il était là, avec moi, et, sans que je ne saches trop pourquoi, j'avais le sentiment qu'il était la pour moi.

Mais aujourd'hui est un jour noir. Le sentiment de culpabilité est tellement présent que j'ai la sensation qu'il m'étouffe. Je repasse en boucle les évènements de ce soir là. Et je sais que si je n'avais pas été à cette stupide soirée et qu'elle était encore là, à mes côtés, mon père serait totalement différent. Il serait à nouveau cet homme que je considérais comme mon héros il y a de cela encore quelques années. Il serait comblé, amoureux, et, surtout, heureux.
Mais la vie en a décidé autrement.

Je ferme les yeux et essuie rapidement une larme solitaire qui avait coulé le long de ma joue. Puis, je me lève, m'étire tout en grimaçant de douleur, et décide de sortir.
J'enfile un pull par dessus mon tshirt, le mois de novembre se rapprochant à grands pas, et sors de ma chambre avant de dévaler les escaliers et franchir la porte d'entrée, mon téléphone dans une main, une cigarette dans l'autre, mes écouteurs dans les oreilles.
Je me mets à marcher, sans trop savoir où je vais, humant la fumée de ma sèche.

Heal me • Finn WolfhardWhere stories live. Discover now