Compte à rebours

777 58 206
                                    


     Elle avait le cœur battant, remettant d'un geste tremblant ses longues mèches blondes et défaites de son chignon derrière son oreille. Elle se mordait la lèvre avec tant de nervosité qu'il fût bien étonnant qu'elle ne saigne pas déjà mais pour tout dire, elle s'en moquait éperdument. Elle venait de lancer sa première et dernière bouteille à la mer, priant des dieux en lesquels elle ne croyait pas de ne pas lui ôter cette seule chance. Par pitié.

     Son regard d'Aigue-Marine refusait de s'arracher à la barre de téléchargement qui semblait presque la narguer, sur son écran. Elle n'était plus aussi certaine d'avoir pris la bonne décision, elle à qui tout paraissait encore si limpides quelques minutes plus tôt mais qu'importe, c'était à présent trop tard pour faire machine arrière.

     Elle devait le faire, où il ne paierait jamais.

     Dans un coin de l'unique pièce qui constituait la totalité de son appartement, des cartons emplis de puces électroniques, d'écrous, de boulons, de tournevis, de batteries et de câbles – montagnes de projets inachevés, bien moins poétiques que ne l'était la Sagrada Familia – semblaient la juger du coin de l'œil. Elle les ignora et préféra se ronger l'ongle du pouce, attendant avec le peu de patience dont elle était encore capable de faire preuve.

     Ici, la connexion n'était pas très bonne, vieux bâtiment new-yorkais oblige, mais elle le serait suffisamment pour ce qu'elle avait à faire. Du moins, l'espérait-elle. Elle avait tout calculé pour que ce soit le cas.

     Au-dessus de sa tête, elle entendit un vrombissement sourd, haut dans le ciel dépourvu du plus petit nuage mais qui fit néanmoins frémir le plafond craquelé de son appartement décrépi. Sûrement un avion, se dit-elle, réfrénant la subite montée d'angoisse qui lui ceignait la gorge. Pouvait-il en être autrement ?

     Elle secoua la tête, fermant les yeux pour quelques secondes, s'intimant mentalement au calme. A quoi servait-il de perdre ses moyens à ce stade ? C'était trop tard ! Ce n'était plus le moment d'avoir peur. Sur l'écran de son ordinateur étonnement récent, comparativement au reste de ses affaires, la barre affichait désormais 98%. Le souffle court, tant la terreur lui bloquait l'estomac, elle tapota frénétiquement sur la table, pianotant de ses ongles courts le plastique défraichi du plateau. Vite, vite.

     Au-dessus d'elle, le vrombissement se fit bien plus intense sans qu'elle n'y prêtât grande attention. Pourquoi cela prend-t-il autant de temps ? Tout aurait pourtant dû fonctionner correctement ! Elle y avait veillé ! Alors que se passait-il ? Sa seule et unique chance étant en train de lui filer entre les doigts !

     Quelques étages plus bas, la porte du hall miteux s'ouvrait avec fracas sous les assauts des bottes renforcées, répandant myriades d'éclats de verre au sol. Les escaliers furent gravis à une vitesse phénoménale, arme au poing, gilet pare-balles et casque attachés à la hâte, attisant la panique de la petite dizaine de locataires du bâtiment.

     Les pupilles accrochées à la luminescence de son écran, elle n'entendit rien de tout ceci, de cet assourdissant vacarme. Rien d'autre que le sang battant dans ses tempes et sa respiration qu'elle s'efforçait d'apaiser.

     Elle n'entendit rien.

     Rien. Le temps semblait presque suspendu.

     Jusqu'à ce que la porte de son appartement ne vole en éclats au moment-même où le chargement sur son écran affichait sa fin. Elle fut violemment plaquée au sol, réveillant des vieilles blessures partout sur son corps meurtri. On lui hurla de se rendre sans faire d'histoire alors que ce qu'elle prit d'abord pour des agents du S.W.A.T se saisissaient de la moindre de ses affaires.

     On lui passa les menottes et on la traîna hors de l'immeuble sans plus de cérémonie tandis que dans des talkie-walkies, on annonçait qu'elle avait été appréhendée sans difficulté et qu'elle serait vite ramenée à la base.

     L'adrénaline qui avait arpenté ses veines durant ces longues minutes parut se dissoudre d'un coup, la rendant soudainement flageolante sur ses jambes alors que la porte du gigantesque hélicoptère à l'intérieur duquel elle avait été jetée se refermait.

     Tout était terminé.

__________

Le suspeeeeens est à son paroxisme, nouvelle histoire, j'espère qu'elle vous plaira, perso je m'éclate bien à l'écrire ahah et merci à Etnalif qui m'a motivée à poster !

A très bientôt,

Lyra

𝙳𝚎 𝚕'𝚊𝚞𝚝𝚛𝚎 𝚌𝚘̂𝚝𝚎́ 𝚍𝚞 𝚖𝚒𝚛𝚘𝚒𝚛Where stories live. Discover now