32 - Bad and boring day for a psycho

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     Ma main appuyée sur le bureau et soutenant ma tête, je me mors la lèvre inférieure. J'essaye de suivre le deuxième cours d'anglais de la journée, mais quand on essaye de faire comprendre à une bande d'idiots que « non, on ne prononce pas le L dans « would », « should » et « could » », c'est qu'on a atteint le fond. Les maths et l'anglais sont les deux matières où je m'ennuie le plus. Je ne suis pas bilingue, ni spécialement intelligente, mais sérieusement...

L'anglais est partout. Les musiques sont en anglais, la plupart des Tweets sont en anglais, les interviews d'acteurs sont en anglais, la vie est en anglais. Difficile de rester nul. Mais visiblement, ça ne s'applique pas aux gens de mon âge, qui ne comprennent pas la différence entre « I was » et « I have been »...

Alors une fois de plus, je m'ennuie. Et comme je n'ai rien d'autre à faire, je me mordille. Dans les films ou dans les séries, j'ai parfois entendu que c'était érotique de « mordiller » son partenaire. Avant cela, je ne savais pas que la dermatillomanie était une forme de masturbation... Comme si là je passais un bon moment... Je soupire. C'est pathétique.

Des fois, des pensées idiotes me viennent à l'esprit comme :

Et si je sautais de ce pont pour atterrir dans cette rivière ?

Et si je balançais mon sac par la fenêtre ?

Et si j'ouvrais la portière en roulant sur l'autoroute ?

Et si j'allais sur mon toit et que j'essayais de descendre en rappel ?

Mais je vire ces pensées rapidement. Je sais que c'est un calvaire pour certains de mes confrères atteints de TOC, qui ne peuvent pas s'empêcher de le faire, comme je ne peux m'empêcher de m'arracher la peau.

Mais présentement, l'idée qui me traverse l'esprit est : Et si je me levais et que je criais à tout le monde que je suis dermatillomane et complètement atteinte de démence ?

J'ai juste envie de... De lâcher prise, pour une fois. D'arrêter de jouer ce rôle de fille un peu sadique mais marrante, bien dans sa peau et qui s'en fout du regard des autres.

J'ai envie de retrouver la raison, aussi.

De consulter un psy sans me soucier de ce qu'en penseront un tel ou un tel. D'aller mieux. De contrôler ces pulsions et cette voix qui me dit de me torturer de la sorte. 

Ha ha.

Comme si c'était possible.  

Si quelqu'un écrivait un livre sur ma vie, le synopsis serait sûrement :

« Miri Aaron, quinze ans, est contrôlée par un démon. Une maladie que personne d'entre vous ne connaît car vous n'êtes que des gros cons qui ne pensent qu'à leurs gros culs, et qui vous force à vous retirer gentiment les tissus corporels. Ce n'est pas vraiment intéressant, pas la peine de continuer à lire, sauf si vous voulez vous foutez de sa gueule à cause de tout ce qui se passe dans sa tête de demeurée. »

Et ce ne serait pas plus mal. Enfin un livre qui dirait la vérité. Qui décrirait une vie banale comme la mienne, sans déclaration d'amour mièvre, remèdes miracles ou « ils m'ont aidée à m'en sortir par le pouvoir de l'amitié ! ». Car sérieusement, tout est si prévisible dans ce genre de livres.

Peut-être que c'est ça qui plaît tant. Le fait que tout soit prévisible. En sachant déjà ce qui se passera, le lecteur éprouve un sentiment de satisfaction, de pouvoir et de soulagement. La satisfaction de ne pas être surpris par les événements, le pouvoir de dire « je le savais ! » et le soulagement de tout voir se réaliser comme il l'avait prévu.

Psycho needs helpWhere stories live. Discover now