JOUR 1 - Le vol et l'explosion

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  • Dedicated kay Joumana Zeghaib
                                    

Il est si près du but. Ses mains sont un peu moites, ce qui l'intrigue. D'habitude, il ressent le battement de son cœur jusqu'au bout de ses doigts réchauffés par le plaisir à venir. Mais jamais ses paumes ne se mouillent comme ça.

Il regarde encore autour de lui. Il sent que quelque chose ne va pas, mais il n'arrive pas à en identifier la source. Il risque un regard sur le type qui, à ce moment-là, a le nez sur l'écran de son appareil puis le pousse un peu plus loin.

Marc-Alain y voit le signal ultime de son intervention. Un quart de seconde d'attente fera toute la différence et il ne veut pas la perdre sinon tout sera foutu et il risque de se retrouver derrière les barreaux. Et ce n'est pas une option dans l'état où il se trouve. Il se décide, et il pense que ce sera sa dernière intervention en ce jour trop froid et surtout trop étrange à son goût.

Il se déplace à contre-courant en deux pas puis rebrousse chemin, ne manquant pas d'observer le type pour s'assurer de sa présence et de bien s'aligner. Un manifestant passe tout près, portant un enfant sur ses épaules. Le petit bonhomme tend deux baguettes au bout desquelles une colombe bat frénétiquement des ailes. Le jouet est vendu un peu partout sur la rue. L'inventeur fera fortune, c'est une certitude.

L'homme le frôle et Malvé donne un léger coup de bassin pour que ce dernier le touche par inadvertance. Le prestidigitateur en lui joue la comédie. Il trébuche, se renverse et tombe en direction de la table où se trouve sa victime. L'étranger sursaute, comme prévu, et recule, comme pour éviter d'avoir un contact avec l'autre. Il n'a pas le temps de réaliser qu'à peine cette demi-seconde écoulée, Marc-Alain a retrouvé son équilibre. Il a chipé le téléphone qu'il a prestement placé dans la poche de sa veste, tout en s'excusant sans le regarder.

Il se faufile, tel un serpent dans la dense végétation de cette jungle humaine. Dès qu'a atteint l'autre côté de la rue en évitant de bousculer qui que ce soit, il entend des cris proférés en arabe. Ça ne dure pas, car l'homme qui s'est levé réalise sa bêtise et sa tête qui dominait la vague de tuques, de casquettes et de cheveux replonge dans les profondeurs de l'anonymat.

Le voleur a posé sa main sur l'appareil terré au fond de sa cachette. Il doit trouver un coin tranquille pour l'éteindre, car il sait très bien que dès qu'une personne réalise avoir perdu ou s'être fait voler son téléphone, il peut le retrouver en un rien de temps grâce à une application de repérage.

Donc, il y a urgence de couper court à cette possibilité de se faire repérer. Il se retrouve entre deux édifices où trois jeunes filles s'échangent des images avec leur appareil, les pouces arqués sur l'écran, frétillant à une vitesse ahurissante. En le voyant arriver, elles décampent en rigolant.

Malvé extrait le téléphone de sa poche et comme le soleil frappe directement l'écran, il essaie de trouver un angle pour en réduire la réflexion. Satisfait, il frôle l'écran du bout du doigt. Il voit apparaître un carré au cœur duquel se dessinent un cercle et des mots écrits en arabe. Il hésite un instant puis appuie sur celui-ci en espérant que l'appareil n'est pas verrouillé par un code, et encore moins un code en arabe, car il n'y connaît absolument rien.

L'écran devient noir pendant une fraction de seconde puis il perçoit distinctement le déclic numérique et voit son visage ahuri apparaître sur l'écran.

C'est à ce moment-là qu'il entend la déflagration.

Quelque part derrière lui, le souffle chaud du feu vient le fouetter. Il est à une centaine de mètres de l'enfer. Il cligne des yeux.

L'odeur de la chair brûlée, les cris issus d'un autre monde, les formes qui courent, se renversent, tout cela peint un tableau d'horreur devant ses yeux écarquillés par la stupeur. Il ravale la bile qui monte dans sa gorge. Il est pris de vertige.

Le déclencheurTahanan ng mga kuwento. Tumuklas ngayon