Le déclencheur

Épilogue

Ce matin, c'est la dernière fois que Marc-Alain Vaillancourt se réveille entre les murs de sa prison. Voilà plus de quarante-huit mois qu'il séjourne ici, dans ce monde qui a commencé à l'imprégner d'habitudes qui se rapprochent plus près de la vie normale que de tout ce qu'il a vécu avant son incarcération.

Le procès demeure le dernier acte de cette longue histoire troublé qui a été le fruit de ses actes. Au contraire des terroristes qui ont été arrêtés, jugés et incarcérés comme des criminels dangereux, sans aucune possibilité de libération, Marc-Alain s'en est tiré avec dix ans.

Mais comme le système de justice canadien tient compte de nombreux facteurs permettant de raccourcir un séjour entre les barreaux, il peut bénéficier d'une libération après quatre années, grâce notamment à sa bonne conduite et surtout à sa collaboration qui a mené à terme ces trois jours d'enfer pour le Québec et le Canada tout entier.

Son histoire a fait le tour du monde. On l'a interviewé et même proposé d'écrire un livre, demandes qu'il a refusées sans hésiter. Il a voulu resté loin des médias qui lui ont fait un procès bien avant qu'il passe devant un juge et que l'on connaisse les véritables circonstances de ses actions.

Il a régulièrement parlé avec sa mère qui a tenté à maintes reprises de renouer les liens entre son père et lui. Ce fut de loin une des épreuves les plus difficiles à surmonter au cours de son séjour en prison.

Son père, lui disait-on, lui avait pardonné ses gestes. Ce pardon ne même devrait pas la raison de leur retrouvailles, selon Marc-Alain. Il s'attendait à ce que l'amour paternel dépasse tout et qu'il s'amende de ses critiques et reproches continuels au lieu de parler de pardon.

Sa sœur Chantale s'est déplacée à plus d'une reprise, lui racontant ses propres malheurs comme si ces derniers pouvaient alléger l'atmosphère de son séjour. Elle lui a annoncé sa séparation et la trêve avec son mari. Elle lui a parlé des progrès d'Alexie à l'école malgré le diagnostic tardif d'autisme qui a été une douche froide pour le couple, tout juste avant son entrée à la maternelle.

Il y a eu aussi la visite, la seule et unique visite de Catherine Manseault, quelques semaines après le début de sa sentence.

Il entend encore sa douce voix la remercier, le féliciter pour son courage mais aussi le ton plus sec qu'elle a emprunté en lui annonçant qu'elle ne voulait plus jamais le revoir, exigeant aucun contact de quelque forme que ce soit. Cette visite a été un grand choc pour lui mais il accepte cette décision car après ce qu'elle et son mari ont vécu à cause de ses actes, il ne peut que comprendre qu'elle en soit venue à cet ultime acte de séparation.

Rioux lui a écrit, à plusieurs reprises. Il évite autant que faire se peut, de se présenter dans les milieux carcéraux qui lui rappellent trop de mauvais souvenirs et qui plus est, pourraient être risqués pour sa santé physique puisque de nombreuses personnes, incluant des gardiens de prison, pourraient l'identifier et toucher une petite prime supplémentaire de la part des motards qui le recherchent toujours activement.

Il lui aussi annoncé que sa fille avait été hospitalisée (une expression qui est plus polie au lieu d'utiliser « internée ») après avoir tenté de se suicider dans la maison de Tom Lavergne, peu de temps après la fin de ces événements tragiques. Elle était tombée dans un état de panique continuel que même les médicaments ne pouvaient contrôler.

Quant à Lavergne, il a vendu sa maison près du lac, dans le Haut-St-Georges pour se construire une autre maison sur le flanc d'une des belles montagnes des Hautes-Laurentides.

Évidemment, Rioux l'a suivi sans hésiter, se rappelant sans cesse les dernières paroles de Monia lors de son arrestation. Il a décrit sa cabane comme un petit paradis au cœur d'une infestation de mouches affamées de viande crue. Il lui racontait avec beaucoup d'humour, comment il tentait de combattre ce fléau qui régnait plus de sept mois par année dans les bois sauvages d'un des plus beaux coins du Québec.