JOUR 2 : Ballade dans les Pays-d'en-Haut

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  • Dedicated to Joumana Zeghaib
                                    

Il tourne à gauche sur le boulevard de la Concorde en évitant de justesse une voiture qui vient de l'ouest. Il jette un coup d'œil à l'horloge au tableau de bord : tout près de midi.

La circulation est plus dense et il évite de ralentir ou de s'arrêter, mais il n'y peut rien et garde le regard rivé sur la route, s'efforçant de ne pas regarder les autres conducteurs tout autour de lui. Il se voit dans le rétroviseur et grimace :

« Je ne gagnerai pas un concours de costume, j'ai encore l'air de sortir d'un conteneur à déchets après une bonne cuite. »

Les yeux rougis, le visage éraflé par le passage rapide du rasoir et la perruque un peu de travers, il suffirait d'un homme trop curieux pour soulever de sérieuses questions.

Il traverse les boulevards, dépasse à droite puis à gauche, frôle une voiture de taxi qui lui envoie un concert de klaxons. Il ignore tout ce qui l'entoure sauf la route. Il déchiffre le nom des rues qu'il ne connaît pas. Il est pourtant convaincu de pouvoir trouver l'autoroute des Laurentides et filer vers le Nord. Sur une autoroute, il sera plus anonyme.

Il songe encore au visage ébahi du voisin lorsqu'il l'a vu embrayer. Il doit avoir déjà signalé le vol, ce qui ne rendra pas sa fuite aussi aisée que prévu.

Il arrive enfin dans le petit centre-ville de Laval avec à sa droite la station de métro Montmorency et le collège du même nom. Soulagé de voir le panneau indiquant l'autoroute, il s'engage sur le boulevard Le Corbusier puis se retrouve sur la voie de desserte de l'autoroute.

Son cœur bat plus vite, mais cette fois pour de meilleures raisons. Il a enfin espoir de mettre quelques kilomètres derrière lui, derrière ce foutoir dans lequel il s'est fourré.

Il roule à cent kilomètres à l'heure. La circulation est très fluide malgré le nombre d'automobiles. C'est plutôt un lundi matin tranquille. Le ciel bleu est marbré de gros nuages indigo, presque noirs, qui se déplacent rapidement sur l'horizon. Le soleil disparaîtra bientôt sous ses grosses boules de ouate menaçantes.

Une fois le pont franchi, il tente de se remémorer le nom du paradis de Rioux. Il n'arrive pas à se concentrer. Toutes ces émotions l'ont bouleversé et il a encore du mal à trier ses idées. Il ignore en fait ce qu'il fera dans ce chalet isolé, s'il le trouve, bien entendu. Encore fallait-il se souvenir du nom du patelin.

Lorsqu'il voit le panneau annonçant Saint-Jérôme, les nuages ont englouti la lumière du jour. Tout devient gris et a une apparence de saleté qui annonce la neige.

Un camion-remorque le dépasse sur la droite, filant à toute allure sans se soucier le moins du monde de la circulation tranquille de ce milieu d'après-midi. La voiture tangue un peu, aspirée par la masse d'air qui le frôle. Il se concentre et se remémore le nom du patelin raconté par Rioux. Il s'agit du Haut-Saint-Germain.

Il roule encore un peu et hésite en passant l'aire de service de la Porte du Nord. Il songe un moment à s'arrêter et demander où se trouvent les sentiers du Haut-Saint-Germain, mais avec l'allure qu'il a, il risque de s'attirer plus de questions que de réponses.

Il se souvient toutefois que ça se situe tout près de Prévost alors il déclenche le signal pour sortir de l'autoroute en voyant le petit panneau. Il roule plus lentement sur cette route secondaire et arrive à une intersection.

Tout droit, ce sont les chutes de Shawbridge. À gauche, il l'ignore, car il n'y a aucune indication. Cette route passe sous l'autoroute, vers l'ouest. Mais peut-être n'est qu'une bretelle pour reprendre la voie rapide. Il passe tout droit et à quelques mètres de là, il voit le panneau de la ville de Prévost avec d'autres indications.

Le déclencheurWhere stories live. Discover now