JOUR 3 - Le camion de Rioux

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  • Dedicated to Chrsitian Jobin Landry
                                    

Le camion roule à tombeau ouvert. Monia rit aux éclats, bousculant son amoureux qui esquisse un sourire inquiet.

« Qu'est-ce que tu as? Tu n'es pas content, mon chéri? » demande-t-elle en le voyant afficher ce regard.

« On n'est pas encore sorti du bois, Monia. Tu ne sais pas s'ils ne m'ont pas joué un tour et s'ils m'attendent au bout de la rue. »

Rioux tourne le bouton de la radio qui émet un grincement avant de laisser filtrer le dernier succès de Lady Gaga dans une suite cacophonique qui n'a rien à voir avec le talent de la chanteuse. Il se met à siffler. Malvé le regarde de travers, mais l'autre lui fait un clin d'œil alors que Monia cherche les policiers sur la route.

Ils débouchent enfin sur la rue et le camion s'engage sur la voie dans un crissement de roues qui fait tourner les têtes. Il appuie sur l'accélérateur, mais Marc-Alain le rabroue : « Ralentis un peu, mon chum. La dernière chose qu'on veut, c'est avoir un policier qui fait de l'excès de zèle! »

« Oui, mon capitaine. Certainement, Votre Majesté. Hey, Louanne, ton amoureux, il a changé depuis qu'il te connaît. Il est plus chialeux, je trouve. »

Monia éclate de rire : « Mon nom ce n'est pas Louanne, monsieur Rioux. C'est Monia. Monia Ayoubi. Enchantée de vous connaître! »

« Tu vois, Vaillancourt, ta blonde, elle est plus gentille que toi. Mais dis-moi la petite, pourquoi ton nom n'est-il pas Louanne? Il m'a semblé que Marc-Alain m'avait dit qu'il t'avait rencontrée dans la maison de tes voisins. »

Monia rit aux éclats. Elle semble avoir oublié toutes ses craintes par rapport à leur fuite.

« Ça, monsieur, c'est un peu compliqué. »

Rioux tape sur le volant au rythme du bruit qui se fait entendre à travers les haut-parleurs défraîchis tout en hochant de la tête : « Si c'est une affaire de femme, c'est toujours compliqué, c'est vrai! »

« En tout cas, vous n'allez pas vous ennuyer dans mon coin. Il y a des magasins et des cinémas. »

Il la regarde et éclate de rire : « C'est une blague, ma petite madame. Mais la police seulement passe une fois par année dans le chemin de terre jusqu'au lac. Ils ont trop peur de se faire mordre le pistolet par des coyotes affamés. »

Ils roulent à travers les rues sans trop se faire remarquer. Marc-Alain compte les minutes qui le séparent de la liberté. Il a seulement envie de mettre toute cette folie derrière lui. À l'heure qu'il est, l'escouade d'intervention a sûrement libéré Catherine et son mari. Au moins, il n'y aura pas eu une autre explosion inutile.

Soudain, la radio se met à grincer et le signal est perdu. Rioux tape sur le tableau de bord et envoie quelques jurons.

« Qu'est-ce qu'il y a? » demande Marc-Alain qui entame la dernière partie de leur scénario. Il sait que Rioux porte une arme et qu'il saura s'en servir si jamais les choses tournaient mal.

« Rien. Ne vous inquiétez pas. Ça fait toujours ça quand je roule plus de cent kilomètres de suite. Des problèmes de câblage électrique. On peut se passer de radio, je pense.

Il ferme le bouton et aussitôt le moteur s'arrête. Ils sont maintenant à la hauteur du boulevard Métropolitain, sur le boulevard Saint-Laurent en direction nord.

« Non, non, non! Pourquoi ai-je éteint la radio. Ostie d'épais! Il me l'avait pourtant dit... »

Monia regarde Marc-Alain qui hausse les épaules. Il lui dit qu'il va s'en occuper.

« Tasse-toi à droite, ne reste pas dans la rue, monte sur le trottoir. Je vais regarder sous le capot. »

Il se tourne vers Monia et lui demande d'attendre dans le camion. « Si un policier s'approche, je viens te rejoindre et Rioux prendra le relais, OK? »

Elle ne réalise pas que le piège se referme sur elle tout doucement. Il s'excuse en passant par-dessus elle, tombe vers son visage et bafouille des excuses encore une fois. Elle en profite pour l'embrasser. Il glisse une main sur son sein et elle se cabre, comme il l'espérait. Puis, il descend.

Une fois dehors, il se dirige vers le capot que Rioux a entrouvert. Il grimpe sur le parechoc et attend un peu.

Entre le panneau de métal et la structure du camion, il voit que Monia affiche un air inquiet. Elle se penche vers l'avant et sa tête disparait. Puis, il l'entend parler de plus en plus fort. Elle discute avec Rioux, mais ce dernier joue bien son jeu et rigole comme si ce n'était rien de grave.

Puis, elle fait ce que Marc-Alain souhaite qu'elle fasse : elle sort du camion. Malvé voit les trois hommes qui traversent la rue en courant en faisant signe aux voitures de s'arrêter. Quelques coups de klaxon font tourner la tête à Monia, le temps que deux autres hommes arrivent depuis le côté nord.

« Tu as pris mon cellulaire. Donne-moi mon cell, Malvé. Ce n'est pas drôle. »

Il lui sourit puis il dit : « Je suis désolé, Monia, mais c'est ici que ça s'arrête. »

Les cinq hommes ont dégainé leur arme et lui intiment de lever doucement les bras. Des sirènes se font entendre et deux voitures approchent à toute vitesse.

Rioux sort du camion et attrape son ami par le cou : « Good job, mon chum! Une salope de terroriste de moins sur la terre. On respire mieux quand il y a moins de coquerelles, tu ne trouves pas? »

Monia est passée de l'autre côté de sa bulle et son visage est crispé de douleurs. Elle crie, elle se débat alors qu'on lui passe les menottes et qu'un des gars lui lit ses droits. Mais elle jette un regard de haine vers Marc-Alain qui n'ose plus la regarder :

« Tu es un traître, tu vas le payer. Tu penses qu'on a agi seul, petit idiot? Attends de voir la suite des choses. Tu te crois malin, mais tu vas souffrir quand on va te retrouver. Je te déteste! »

« Et bien, la petite dame change vite d'idée, on dirait. » dit Rioux en amenant Marc-Alain de l'autre côté du camion.

« Toi, le gros crétin, fermes ta gueule de chien sale! Toi aussi, on va te retrouver. On sait où se trouve ta petite cabane en bois. »

« Bah, je pense qu'elle ne m'aime pas moi non plus. Une de perdue, dix de retrouvées, hein, mon Vaillancourt? »

Elle crie encore des mots, mais ils sont maintenant de l'autre côté du camion et les policiers l'emmènent dans une des voitures et sa voix n'est plus qu'un écho.

Lachapelle vient d'arriver avec Tom Lavergne et l'adjudant Théo Marcil. Ils se dirigent vers eux, le visage visiblement satisfait de la tournure des événements.

« Et puis, vous avez libéré Catherine et son mari? » demande Malvé avec un brin d'excitation dans la voix.

« Oui, tout est en contrôle. Heureusement, elle n'avait pas les connaissances nécessaires pour installer un système de déclenchement automatique. On les a libérés et on les a sortis de là le plus rapidement possible. Ensuite, on a attendu que ça se termine de votre côté. Vous avez le cellulaire de Monia? »

Marc-Alain le sort en prenant soin de ne pas toucher quoi que ce soit sur l'écran. Le commandant le regarde faire avec un sourire en coin.

« Vous avez bien réussi votre coup, monsieur Vaillancourt. Je suis certain que la justice saura tenir compte de vos actions au cours des dernières heures. Je dois cependant vous informer que vous êtes en état d'arrestation pour entrave au travail des policiers et d'avoir participé à un acte terroriste. L'adjudant Marcil va vous accompagner au QG et vous serez amené dans un endroit gardé secret jusqu'à nouvel ordre. »

Marc-Alain le remercie, la main tendue vers le policier en chef qui la serre froidement. Il sent que ses genoux vont le lâcher. Il est épuisé. Rioux le prend dans ses bras :

« Dès que tu sortiras de ce merdier, on ira manger une poutine chez Sexy Roxy pour te faire oublier tout ça. D'ici là, garde le moral, quoi que disent ces emmerdeurs d'avocats et de journalistes. Tu n'as pas fini de nous impressionner, petit. Et tu connais mon adresse, hein? »

Il l'embrasse sur les deux joues et le serre encore plus fort : « Courage! »

Le déclencheurWhere stories live. Discover now