JOUR 2 - Retrouvailles dans la grisaille

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  • Dedicated to Gaëtan Faubert
                                    

Le temps rafraîchit et des flocons de neige ont remplacé la pluie.

Marc-Alain aimerait pouvoir se réfugier dans la voiture, car il est pris d'un tremblement intense. Il se demande ce que fera le chien s'il court vers la porte et entre dans l'habitacle. La bête n'a pas l'air si féroce, mais il a appris à ne pas se fier aux apparences. Tout son corps est secoué par le froid qui le dévore jusqu'aux os. Décidément, ses nerfs sont mis à rude épreuve.

L'homme le regarde de loin. Il semble discuter avec son interlocuteur ce qui n'est pas nécessairement de bon augure. Il replace son talkie-walkie à sa ceinture et se dirige enfin vers son visiteur.

« T'as l'air gelé comme une crotte de chevreuil. Je vais t'inviter dans la maison pour te réchauffer un peu après, on va allez voir Rioux. C'est pas accessible par auto alors on va y aller en VTT. Tu sais conduire ces machins? »

Marc-Alain acquiesce. Ça lui est arrivé de faire une randonnée avec son oncle Francis, il y a quelques années déjà.

Le propriétaire fait signe à son chien de déguerpir et tend la main vers lui :

« André Lavergne. Je m'excuse pour tantôt. Je n'aime pas trop qu'on vienne fouiller dans mes affaires. On n'a pas souvent de visiteurs dans ce coin-ci. On est proche de la ville, c'est certain, mais comme on est un peu en retrait et que la route est plutôt ordinaire, il n'y a pas beaucoup de curieux qui aboutissent à ma maison. Et ceux qui le font n'ont pas toujours les bonnes raisons de le faire. Rioux n'est pas le seul à vouloir la paix. Mais plus au nord, il y en a des gars qui sont encore plus sensibles au sujet des intrus. »

Ils gravissent une petite pente et quittent la route de gravier et de sable pour se trouver sur une grande entrée constituée de pavés unis de qualité formant une demi-lune devant une maison digne de revues d'architecture.

Ils pénètrent dans le hall au plafond très haut. Une femme est assise dans un sofa de cuir blanc et feuillette des revues de mode. Elle doit être dans la jeune trentaine, devine Marc-Alain qui la salue timidement. Elle retourne à ses lectures sans dire un mot. Elle ne doit pas être heureuse de voir un gars attriqué en femme entrer dans son univers.

Lavergne lui fait un clin d'œil en tirant son coude vers la cuisine. Le luxe qui se trouve là l'impressionne. Tout ici est neuf et semble n'avoir jamais été utilisé.

Il glisse une dosette de café dans la machine et appuie sur un bouton. L'odeur du café redonne un peu de vie au pauvre gars qui a peine à calmer ses tremblements. Son hôte retourne au salon et ramène une couverture qu'il met sur ses épaules.

« Si j'étais toi, je me changerais en gars avant qu'on aille voir Rioux. Il n'a pas trouvé drôle l'idée de te revoir avec une robe. »

Lavergne rit et lui donne une tape sur l'épaule.

« Merci » dit Malvé en prenant la tasse chaude qu'il lui tend. « Merci pour tout. »

« Pas de trouble. Je suis certain que tu as des explications pour ce qui s'est passé hier. Rioux m'a dit que tu étais un bon gars quand tu étais avec lui derrière les barreaux. Mais, il a des tas de questions à te poser, tout comme moi. Ce n'est pas très joli, toute cette merde. Je ne te raconterai pas ma vie, mais j'ai vu pas mal d'affaires croches se passer sous mes yeux. Des choses que même Rioux ne connait pas de moi.

« Disons que je n'ai pas fréquenté un club de crochet quand j'étais adolescent et mes connaissances avaient plutôt des méthodes barbares pour régler des différends. Mais, le terrorisme, ça, je ne digère pas ça du tout. Je suis allergique à tout ce qui ressemble à des extrémistes et, même si je ne suis pas raciste, j'ai tendance à regarder les barbus et les femmes voilées avec les dents serrées, si tu vois ce que je veux dire. Tout le monde a le droit d'avoir ses croyances, mais là, ça commence à déborder de la tasse. »

Le déclencheurWhere stories live. Discover now