JOUR 2 - L'invitation

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  • Dedicado a Joumana Zeghaib
                                    

Marc-Alain avale la boisson alcoolisée d'un seul trait. Rioux lui en sert une autre rasade qu'il fait disparaître tout aussi rapidement. Les yeux inondés de larmes, il croise les doigts, raidit son dos et commence son histoire depuis le matin de la veille jusqu'à son arrivée ici.

Lavergne et Rioux se regardent sans dire un mot. Puis, Rioux manifeste son inquiétude :

« Donc, ce maudit cellulaire continue de faire des ravages parce que si je comprends bien, d'après toi, même s'il est éteint, ces petits cons d'extrémistes savent où tu te trouves en ce moment, c'est bien ça? »

Malvé acquiesce en silence. Lavergne tape sur la table du plat de sa main : « C'est malin, ça. T'as vraiment pas de cervelle, Vaillancourt. Venir ici avec ce téléphone, c'est comme les guider directement à nous autres. Je te l'avais que ton petit ami allait nous attirer du trouble. Ces gens-là n'entendent pas à rire. Qui nous dit qu'ils ne sont pas déjà chez nous et qu'ils n'enlèveront pas ma blonde aussi? »

Il jure, fait un énorme poing de ses doigts repliés et les place sous le nez du jeune homme. Rioux met sa main entre les deux.

« Pense deux minutes, Tom, dit-il. Ils ne savent rien de nous. Au moins, Marc-Alain n'a pas été directement chez les flics. Et puis quoi, tu penses qu'ils sont une armée de terroristes qui travaillent dans un sous-sol avec des systèmes informatiques sophistiqués? Si ça se trouve, ils ne sont que trois ou quatre. »

Malvé en rajoute : « Ils fonctionnent en petites cellules avec peu de contact entre eux. C'est pour ça que personne n'arrive à les attraper. »

Lavergne se lève en repoussant la chaise loin derrière lui. Il se dirige vers la fenêtre et observe les arbres. « N'empêche qu'ils savent où tu es en ce moment. Mais la question que je me pose, le petit magicien. Pourquoi tu es venu jusqu'ici, pour voir Rioux? »

« Pour qu'il m'aide à trouver une solution. Au début, j'ai pensé à toi, Rioux. Je ne souhaitais pas aller directement à la police et m'expliquer. J'espérais les retrouver, les confronter, et ensuite les dénoncer en leur jouant un tour, quelque chose. Quand je me suis levé ce matin, c'était ça que je voulais faire. Puis, il y a eu Louanne et tout s'est mêlé dans ma tête. D'abord, elle était paniquée et m'a raisonné, mais elle a changé d'attitude, comme ça, sans raison. Je suppose qu'elle aurait aimé m'aider. Mais, ils sont arrivés avant qu'on puisse faire quoi que ce soit. »

Rioux se frotte les mains. Il regarde le poêle à combustion lente d'où dansent des flammes orangées et bleues. Il se verse une autre portion de caribou, mais ne le boit pas tout de suite. Puis, il parle à son tour :

« Comment penses-tu qu'on puisse t'aider? Est-ce que tu as une petite idée du pourquoi je me cache ici, dans le bois, loin des regards, avec Tom comme gardien du coin? Je suis recherché. Pas par la police. J'ai payé ma dette à la société civile et même un peu plus, je dirais. Je suis devenu un indicateur. Il y a des gars avec lesquels je travaillais qui se sont fait arrêter. D'autres ont eu moins de chance et se sont retrouvés au mauvais endroit quand les têtes dirigeantes de notre club de gentils motards voulurent se défouler et m'envoyer un message. Sur le marché du crime, je suis pas mal en tête de liste.

« Rioux, ce n'est même pas mon vrai nom. Alors, quand je t'ai parlé de mon petit paradis, j'ai commis une grosse erreur parce que tu aurais pu être n'importe qui, quelqu'un de mon ancienne gang, et revenir me faire la peau sans que même les écureuils ne s'en soucient pas. Mais, malgré le fait que j'ai quand même vérifié auprès des flics pour savoir si tu étais vraiment un petit pickpocket de ruelle, j'ai toujours gardé une certaine inquiétude parce que tu aurais pu en parler à quelqu'un et, comme le virus de l'Ebola, ça se serait répandu assez vite merci et bye-bye mon oncle Rioux. »

Le déclencheurDonde viven las historias. Descúbrelo ahora