Le déclencheur

JOUR 3 - Monia et Catherine

« Arrête de me regarder comme ça. Tu es quasiment comme le fils que je n'ai jamais eu. J'aime ma fille, on s'entend. Mais, elle est un peu compliquée à suivre. Toi aussi, remarque. Mais il me semble que quand on se parle d'homme à homme, c'est plus facile.

« En tout cas, pour revenir à nos moutons, après que tu es parti, la police est arrivée. C'était toute une cavalerie, en fait. Ils étaient armés et prêts à tirer sur le moindre moineau et Lavergne est le premier à les accueillir. Dans le groupe, il y avait un de ses anciens collègues qui l'a reconnu tout de suite. Ils ont quand même fouillé la maison, même si Tom leur avait déjà expliqué toute l'affaire.

« Lachapelle est arrivé en dernier, quand on l'a rassuré et que les gars ont compris le plan. Il n'était pas très content, je peux te le dire. Il a failli tout faire foirer, mais Tom a de l'expérience dans ces affaires-là alors il a été capable d'appuyer sur les bons boutons pour que le chef se calme.

« Ensuite, on a été à l'ordinateur de Tom et il a activé le programme de repérage avec le code. On t'a suivi jusqu'à l'Oratoire. Lachapelle voulait tout de suite envoyer une patrouille, mais on savait que ce n'était pas le repaire de ces terroristes. C'était seulement un relais.

« Sauf que lorsque la voiture a sauté, là, il a aussi explosé de colère. Il nous a traités d'imbéciles et il a ordonné de nous mettre en état d'arrestation pour entrave à la justice et tout le tralala.

« Évidemment, il ne pouvait plus reculer et il s'était mis dans une situation de laquelle il aurait du mal à s'expliquer auprès des autorités et des gens de la télé, surtout si cette information allait filtrer dans les médias sociaux.

« Il a déployé des agents sur place et il a joué le jeu. Ce n'était pas beau, petit. Il y a eu cinq morts, dont un bébé qui était dans une poussette à proximité de la voiture piégée. Il y a aussi une vingtaine de personnes qui ont été blessées. Il n'y a pas eu de dommage au monument parce que c'était une petite bombe, mais ça aurait pu être pire. Je pense que les terroristes n'ont pas vraiment eu le temps de bien préparer leur coup ou bien ils voulaient faire une distraction pour mieux se cacher. Peut-être qu'ils pensaient qu'on avait mis un émetteur sous la voiture...

« En tout cas, une fois la panique passée, Lachapelle et Lavergne ont commencé à élaborer un plan d'intervention. Ils se sont entendus que dès que tu te retrouverais immobile pendant plus de deux heures, ils s'approcheraient de leur cachette. »

Marc-Alain ressent un mal de tête qui l'étourdit. Il demande qu'on lui apporte quelque chose à manger et un autre café, car celui qu'il tient entre ses doigts est froid. Il déteste le goût de cette mixture quand ce n'est pas brûlant.

« Si je comprends bien, on est sur la Rive-Sud? »

« Brossard. Dans un coin industriel, pas loin du boulevard Matte. En tout cas, quand ils ont décidé de partir, Tom leur a dit qu'on pourrait peut-être aider, vu que tu nous connais. Lachapelle ne voulait rien savoir.

« Il a dit — Laissez-nous faire notre travail. Vous en avez déjà assez fait comme ça. On n'a pas besoin de civil dans cette opération.

« Tom l'a convaincu que dès qu'ils auraient la situation bien en main, qu'ils seraient rassurés sur le nombre de suspects, de la topographie et qu'ils auraient un plan d'intervention précis, il serait préférable que ce soit moi que tu voies en premier, si tu étais encore en vie, évidemment. »

Marc-Alain déglutit. C'est en effet une perspective qui était bien réelle, surtout après la conversation avec Ayoubi et la décapitation de la femme.

On lui apporte son déjeuner et il mange avec appétit, ragaillardi par l'espoir de vivre enfin un peu plus normalement.

Cependant, le fait de savoir que Catherine pourrait être en danger le dérange. Il aimerait pouvoir lui parler, la rassurer et s'excuser de la mêler dans cette histoire. Il sait qu'il n'y peut vraiment rien et il doit se convaincre que les forces d'intervention feront tout en leur pouvoir pour que cette dernière étape de l'opération se déroule sans bain de sang.