Oxelle

1] Embourbée

-Je crois que c'est là... Oui c'est ça vas-y tourne à droite.
-T'es sûre que c'est ici? Ce n'est même pas une route.
-Oui oui je suis sure.

Malgré son étonnement devant ce petit chemin de terre à peine assez large pour laisser passer leur voiture, Oxelle n'émet pas plus de doutes et s'engage sur le sentier en question. La terre est meuble et les pneus usés ainsi que le vieux moteur rugissant ont du mal à suivre. Mais la jeune femme maîtrise parfaitement son véhicule et réussit à avancer, non sans peine, le long de la route bordée de buissons épais aux branchages venant taper contre le pare-brise.

-Ils pourraient au moins couper les branches! J'ai l'impression de conduire à l'aveugle c'est insupportable...
-Oxelle qu'est ce qu'on a dit?...

Cette dernière respire profondément, détend ses doigts sur le volant avant de légèrement tourner son visage vers Line:

-On est venu ici pour se détendre. Oublier le stress de la ville...
-Exactement. De toute façon on arrive au bout regarde.

Et en effet, les deux jeunes femmes aperçoivent enfin le bout du tunnel végétal. Mais soudain la voiture refuse d'avancer davantage et Oxelle a beau appuyer sur l'accélérateur rien ne se passe.

-On est embourbées! Et merde...
-Essaye la marche arrière.

Ce que fait aussitôt la conductrice mais toujours aucun résultat à part le son des roues qui pédalent inutilement dans la gadoue.
Line détache alors sa ceinture.

-Attends je vais aller à l'intérieur et demander de l'aide. Reste ici.
-Ouais ok vas-y, je t'attends.

Line sort, referme sa portière et son amie la voit trottiner sur le reste du chemin avant de disparaître sur la gauche.
Oxelle se met au point mort, retire à son tour sa ceinture et pose sa tête contre le dossier de son siège en lâchant un long soupire.

-Ça commence bien ces vacances...

Elle attrape son portable dans sa poche arrière de jean et regarde l'écran s'allumer. Il est dix-huit heures passé. C'est bientôt l'été, il fait encore jour même si la luminosité du ciel commence à devenir légèrement rosée. Elle lit rapidement les messages qu'elle a reçu.

10:27   Maxence
Ce serait bien si on discutait. Appelle-moi quand tu peux...

14:18   Maxence
S'il te plaît Oxelle. Je n'ai pas envie de te harceler mais j'aimerai qu'on parle. Qu'on parle de nous.

16:52   Barbara
Maxence m'a appelée. Il voulait savoir où tu étais. Je lui ai dit que je n'en savais pas plus que toi ce qui est la vérité.
Qu'est ce qui se passe entre vous? Et où es-tu d'ailleurs? Tu vas bien?

17:01    Maxence
Ta sœur garde le secret ou tu n'as vraiment dit à personne où tu allais?...
Bref peu importe, profite où que tu sois. Dis-moi quand tu reviens sur Paris. Il faut qu'on se voit.

Oxelle crispe ses doigts sur son téléphone, exaspérée par la situation.
Maxence sait parfaitement qu'elle veut faire un break dans leur relation et réfléchir où elle en est de ses sentiments. Certes elle lui a annoncé par message et sans confrontation directe mais elle sera apte à discuter avec lui seulement quand elle aura pris du recul sur la situation. Line a eu raison d'insister pour qu'elles partent ensemble dans une maison d'hôtes à la mer pour lui permettre de penser enfin à autre chose et d'être sereine, mais s'il continue de lui envoyer autant de messages elle ne pourra jamais cesser de focaliser son esprit sur sa relation de couple.
Elle pourrait lui envoyer un simple SMS pour le rassurer, mais le fait qu'il est mêlé sa sœur à leur histoire manque de lui faire peter les plombs. Barbara est déjà suffisamment inquiète et protectrice pour ne pas en plus lui rajouter ça.

Elle réfléchit une seconde et décide de répondre à sa sœur:

-Il ne se passe rien de grave tout va bien. Je suis partie à la mer avec une amie pour me changer les idées, ça va me faire du bien.

Elle hésite à envoyer un message du même style à Maxence mais renonce. Elle relève alors les yeux vers le pare-brise et voit presque au même instant apparaître sur le sentier Line, de retour avec deux hommes.

Oxelle se reprend et cette fois se promet à elle même d'arrêter de penser à ses problèmes et de profiter de cette semaine au grand air qui, elle le sait, ne peut lui faire que le plus grand bien.
Elle a la sensation d'être embourbée dans ses contrariétés autant que sa voiture l'est dans cette boue. Elle décide donc d'éteindre son portable et le balance sur le siège passager, prête à oublier pour ses prochains jours tout ce qui peut bien la tourmenter...