Comme des enfants ◊ Larry

8.

Uda Walawe

Louis

Je hais Gigi, je hais Zayn et je hais encore plus Harry.

Il est cinq heures trente du matin et nous sommes tous les quatre en rang d'oignon au bord d'une route cinghalaise déserte, au milieu de la nuit, à attendre une jeep qui n'arrivera peut-être jamais, pour voir des éléphants que nous ne verrons sûrement pas !

Je les déteste tous autant qu'ils sont !

Gigi sautille d'un pied sur l'autre, excitée comme une puce à l'idée de découvrir le parc d'Uda Walawe. Harry n'est pas mieux qu'elle et Zayn, même s'il est plus calme et qu'il n'a rien demandé, je le déteste tout simplement pour exister.

"Elle va jamais arriver votre jeep, ronchonné-je en resserrant ma veste polaire autour de moi.

-C'est fou comme t'es agréable toi le matin, réplique Zayn.

-J't'ai pas sonné." répondé-je acerbe.

Il roule des paupières, les deux autres se bidonnent face à notre échange et j'ai envie de tous les frapper. Et c'est évidemment à ce moment là que la Jeep arrive, histoire de me faire mentir et perdre toute crédibilité.

Le véhicule est à peine arrêté devant nous que Gigi saute à bord et s'installe au premier rang, aux côtés de Harry pendant que Zayn se met au second et que moi je vais m'installer au fond pour bouder en paix. J'entends Gigi et Harry discuter avec le chauffeur avant que nous prenions la route puis quelques secondes plus tard, nous roulons à vive allure dans la nuit avec un phare sur deux fonctionnel, le vent griffant les joues, sans ceinture de sécurité. Bref, une situation on ne peut plus normale au Sri Lanka.

Sur le chemin, nous retrouvons d'autres Jeeps et j'ai l'impression que c'est la course à celui qui ira le plus vite à l'entrée du parc. Quand nous arrivons aux abords, le chauffeur s'arrête et nous abandonne au milieu du chemin d'accès au parc ! Il saute de son véhicule et part en courant vers le guichet. Autour de nous, c'est l'effervescence. Les jeeps arrivent les unes après les autres, les chauffeurs courent dans tous les sens en criant. C'est un joyeux bordel, beaucoup trop bruyant pour moi, vue l'heure qu'il est.

Et au milieu de tout ça, une vieille dame se promène au guidon de sa bicyclette aménagée pour vendre des boissons chaudes, le tout en chantant. Quand elle s'arrête à notre niveau, Harry lui tend un billet et lui demande quatre thés. Il récupère les boissons après l'avoir remerciée et distribue les gobelets à Gigi et Zayn autour de lui avant de se lever pour me ramener le mien. Il me connait par coeur... il sait qu'avant mon thé du matin je peux être électrique. Même si je n'ai pas besoin de cela pour l'être. Mais... son geste me touche, vraiment. Cependant, je me contente de le remercier avec un simple petit sourire. Il me fixe pendant un instant, comme s'il s'apprêtait à me répondre mais face à mon silence, il ne dit rien.

Devant moi, Gigi a reculé d'un rang pour s'installer à côté de Zayn. Tournée vers lui, ils discutent tranquillement en se réchauffant avec le thé de Harry. Pour ma part, je retourne mon attention vers notre petit chauffeur qui revient en courant, agitant fièrement nos tickets d'entrée, comme s'il venait de gagner une course olympique. Toute cette situation est irréelle !

Il saute au volant de la jeep, démarre au quart de tour. Évidemment je manque de renverser mon précieux breuvage au passage et nous voilà repartis sur les chapeaux de roues vers l'entrée qui se trouve à même pas 500 mètres ! Nous arrivons en seconde position. La barrière est close et les jeeps s'alignent petit à petit derrière nous.