Comme des enfants ◊ Larry

4.

Paris

Harry

Maintenant que nous sommes assis l'un à côté de l'autre sur un banc du parvis de la gare, un Starbucks entre les mains, je nous trouve bien silencieux. Nous avons quitté le quai en regardant le train de Louis s'éloigner. Nous sommes descendus prendre une boisson à emporter avant de nous installer à l'extérieur. Louis a pris le temps de regarder les horaires du prochain train pour Bordeaux et a réservé un billet pour celui de 19h30. Cela ne nous laisse pas beaucoup de temps, mais c'est toujours ça de gagné.

Sauf que maintenant... nous sommes comme deux adolescents, ne sachant pas quoi faire de leurs sentiments.

Alors... quand je trouve ce silence bien trop pesant, je décide de le briser. Je tourne la tête vers lui pour le détailler. Mais je suis incapable de prendre la parole tout de suite, trop absorbé par mon observation. Ses cheveux clairs, son regard azur, les petits cernes qui prouvent qu'il souffre toujours du décalage horaire, sa peau hâlée et sa barbe bien fournie, je l'ai rarement trouvé aussi beau qu'aujourd'hui. Et le petit sourire qui s'étire sur le coin de ses lèvres me prouve que je n'ai pas été très discret. Je détourne le regard, comme pris la main dans le sac. Je secoue lentement la tête, mal à l'aise et la main de Louis vient se poser sur mon genou. Instinctivement, je retourne mon attention vers lui et il m'adresse un sourire. Un sourire sincère. Un sourire que j'aurais aimé voir sur son visage hier lorsque nous nous sommes retrouvés dans le jardin de notre enfance.

"Tu vas bien ? finis-je par lui demander.

-Je crois que oui, m'affirme-t-il en approuvant d'un signe de tête. J'avais besoin de ce voyage et de cette introspection.

-Du coup... ça donne quoi pour ton avenir ?

-J'en ai conclu que mon boulot me plaît, commence-t-il alors. Depuis que je suis à Bordeaux, je m'y épanouis beaucoup plus. Je ne suis plus seulement le gars qui passe ses journées sur les réseaux à la recherche des nouveaux talents, là je m'occupe de tout le pôle des jeunes talents. C'est super enrichissant et j'adore ça. M'éloigner m'a au moins fait comprendre que j'aime ce que je fais et que j'ai hâte d'y retourner.

-Je suis heureux de te l'entendre dire" avoué-je soulagé.

Car si j'avais dû apprendre que je l'avais poussé à prendre un job qui ne lui plaisait en fait pas et qu'il l'avait exercé pendant des années, ça m'aurait brisé le coeur. Sincèrement. Je vis pour mon boulot et je n'ose pas imaginer ce que serait ma vie avec un travail alimentaire qui ne rythme pas mes journées... Je pense qu'elle serait bien terne. J'ai conscience d'avoir cette chance-là et je suis heureux que Louis l'ai réalisé aussi. Mais cela veut aussi dire qu'il repart définitivement à Bordeaux parce que sa nouvelle vie est là-bas. Et même si je suis véritablement content pour lui, cette pensée me fait tout de même un pincement au coeur.

"Je pense que tu aimerais visiter cette ville, reprend-il. La mer est à quarante-cinq minutes de train, l'appartement que je partage avec Niall est en plein centre. Du coup, quand il fait beau, je vais travailler à pied, c'est un luxe inestimable... crois-moi. Il y a un super marché tous les matins à seulement dix minutes de tram et tu connais la gourmandise de Niall, il y est trois fois par semaine, rit-il avant que je ne me joigne à lui en hochant la tête. Il me fait de bons petits plats tous les jours. Et puis il fait beaucoup moins froid qu'ici ! intervient-il en resserrant sa veste autour de lui. Du coup, j'en profite ! Je vais courir sur les quais de la Garonne ou dans l'un des parcs de la ville.

-Est-ce une invitation ? lui demandé-je alors en tournant la tête vers lui.

-Peut-être" répond-il en haussant les épaules, un sourire sur les lèvres.