Chapitre 2

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Pdv Levi

Alors comme ça un petit nouveau veut intégrer le conseil ? Armin, il me semble. Mais on ne le connaît ni d'Ève ni d'Adam. Pour l'instant, il n'est que stagiaire, mais il semble avoir la protection de la présidente du conseil. D'autant qu'il arrive au conseil en plein milieu d'une période plus que particulière. C'est louche.... Et puis je n'aime pas ça. C'est un coup à se faire remplacer. Et même de manière globale, je l'aime pas. Il est trop gentil pour faire partie du conseil. C'est donc avec une grande méfiance que je l'accueille à notre tablée.

J'ai l'impression qu'il se méfie de nous lui aussi. Il me jette souvent des regards en coin. Mais au vu de son air candide, il ne se méfie sans doute pas assez. Sa présence m'ennuie, il ne sert pas à grand chose. Il aurait été nommé comte par Pixis, et il serait connu du peuple. À vrai dire, le peuple, c'est bien le cadet de mes soucis. Ma place au sein du palais me préoccupe bien plus. Si il fouine trop, je serai dans l'obligation de le pousser gentiment vers la sortie.

COMMENT A-T-ELLE OSÉ ? METTRE LE STAGIAIRE SUR LE DÎNER DE RÉCONCILIATION ! C'EST FOLLIE PURE ! On ne sait rien de ce gamin, qui sait si il ne va pas nous planter un couteau dans le dos à la première occasion ? Ses yeux sont remplis de quelque chose de malsain, de vil, de pervers, et Hanji lui a confié le compte rendu sur le dîner.... Il aurait pu se dire des choses d'une grande importance, ou d'une extrême confidentialité à ce dîner ! Et Hanji lui en a exposé en long en large et en travers tout le contenu, tout ça pour que ce soi disant comte écrive un rapport. Il paraîtrait que sa plume est bonne, je la trouve tout au plus médiocre. Si il est là pour devenir écrivain, il se trompe lourdement. Il est temps de remettre ce gosse dans la voie qui lui correspond le mieux : l'école d'art me semble bien plus appropriée pour cette protubérance blonde.

Il faut bien le reconnaître, le rapport sur le dîner était propre et relativement bien rédigé, et ce en un temps assez miraculeusement court. Mais cela n'enlève rien au fait que ce conglomérat blondinet ferait mieux de quitter ce conseil, ou au moins d'être limité en ce qui concerne la montée en grade. Hors de question de faire monter une personne si peu expérimentée au rang de conseiller officiel. Cela va faire deux ans que j'occupe ce poste, et j'en ai bavé pour en arriver là, hors de question d'y installer ce morveux pistonné et sans éducation.

Le soir même, je m'entretiens peu après la réunion du conseil avec Dame Petra. Elle semble partager mon avis en ce qui concerne ce nouvel arrivant. Nous mettons au point un plan pour le moins machiavélique. Nous créons de fausses demandes de participation à un complot contre le Roi, qui seraient parvenues à Dame Petra et moi même de la part de Armin. Nous engageons un faussaire pour imiter l'écriture du stagiaire, puis nous faisons parvenir ces lettre à Dame Hanji, accusant Armin d'ourdir un complot contre le nouveau roi Erwin. Assez miraculeusement, la présidente du conseil nous croit. Le lendemain, l'affaire éclate, révélée par Hanji en personne. Dame Petra et moi même apportons chacun nos preuves. Armin est désemparé, et pourtant, il se bat pour tenter de rétablir la vérité. Malheureusement, même Sasha, la concubine de Hanji, se rallie à nous pour appuyer nos paroles. Il est promis à une humiliation publique, et doit écrire un repenti, un éloge à notre roi et une troisième chose seulement connue de Dame Hanji et de Armin si il veut réintégrer le Conseil. Quand à Petra et moi, nous gagnons des titres, des droits et des terres pour avoir dénoncé un criminel. Malgré tout, Armin marque des points, et notre plan s'effondre. Il commence à apporter des preuves de son innocence, et de notre culpabilité. Heureusement pour nous, Dame Hanji se désintéresse de la conversation, convaincue que Armin est coupable. Les preuves se perdent dans l'indifférence générale. La voix du comte se met à trembler, le battement de ses paupières s'accélère. Il va craquer. Le reste du travail se fera seul. Je m'apprête à quitter l'assemblée, arguant que minuit approche, quand un poing s'abat sur la table avec force. Les cheveux de Armin sont retombés sur son front, masquant ses yeux, mais pas le rictus qui déforme sa bouche. Une larme roule sur sa joue. C'est d'une voix étranglée qu'il prend la parole.

"- Il est bas de s'attaquer à plus faible que soi. Je suis déçu. Je pensais que le conseil pensait avant tout au bonheur des citoyens, pas à de futiles querelles d'intérêt. Le royaume va suffisamment mal, nous n'avons pas besoin d'enfantillages au sein des membres du conseil. J'hésite à effectuer mon châtiment, il ne m'apporterait rien de revenir au conseil si c'est pour subir à nouveau ce genre d'assauts injustifiés.
Soyez fiers, vous faites pleurer un jeune homme qui ne demandait rien de plus que de servir son royaume. Moi qui comptais me battre pour la justice et l'égalité dans notre royaume, vous m'avez découragé. Vous connaissez mon dévouement pour notre chère patrie. Je ne comprends même pas dans quel but certains tente de m'éjecter. Et dire que je commençais à me plaire parmi vous.... Je suppose qu'en effet, l'image du Conseil est bien différente de la réalité des faits.
Si vous comptiez détruire les convictions d'un jeune homme d'à peine 16 ans, le réduisant aux larmes silencieuses et à la frustration brûlante, vous avez réussi.
Sur ce, je vous souhaite une bonne nuit."

Ses joues se noient sous le flot des larmes, pourtant sa voix ne s'éteint pas. La hargne, la peine et la souffrance que j'y entends serrent mon cœur. Après avoir dit ces mots, il quitte la salle, claquant la porte. Ses pas s'éloignent dans le couloir. Il est parti. Le silence est assourdissant. Dame Hanji se lève, suivie de Dame Petra, et les deux quittent la salle. Je suis soudain pris de remords. Ai-je véritablement blessé ce jeune homme ? Ce discours m'a rappelé mes jeunes années. Il est vrai que pendant un temps moi aussi je me battais pour les idées qui m'étaient chères. Mais dès que j'ai intégré le palais et le conseil, j'ai mis de côté mes convictions pour me consacrer à cet entrelas de complots et de corruption qu'est la politique.

Je finis par craquer. J'attrape de quoi écrire, et me dénonce. Je protège ma complice, avançant que je suis le seul à avoir fomenté cette fourberie. Je dépose cette lettre à la place de Dame Hanji. Elle la lira quand elle viendra. J'ai conscience d'être allé trop loin. Je quitte la salle à mon tour. Un domestique ridiculement niais se tient devant la porte. Je le toise, son air idiot est presque comique. Je regagne mes appartements, angoissé par la tournure que vont prendre les choses.

Nous sommes tous convoqués à l'aube le lendemain. Dame Hanji a dû lire la lettre. À peine sommes nous arrivés que Hanji se jette sur Sire Armin, se confondant en excuses. Elle semble s'en vouloir terriblement. Elle donne la lettre à Armin, qui la lit en silence avant de poser les yeux sur moi. Petra, prise de remords elle aussi, se dénonce à son tour. Armin sourit. Hanji lui propose de décider d'une punition pour Hanji, Petra et moi même. Il demande de la part de Petra et moi un repenti écrit et un éloge au roi. Chacun. Hanji, quand à elle, n'écope que d'un câlin de réconciliation. Ai-je l'intention d'écrire quoi que ce soit ? Non. Ai-je l'intention d'attendre qu'ils aient oublié, et ne jamais le faire ? Oui. Tout à fait. Suis-je une enflure ? Écoutez, ce n'est pas le débat.

Le calme revient, tant au sein du conseil que dans la cour royale entière. L'organisation du nouveau reigne se fait en douceur, il ne se passe rien de particulier. Dame Hanji est très fatiguée en ce moment, elle sort d'une opération compliquée, elle ne s'occupe plus vraiment du conseil. Nous avons donc du temps pour vaquer à nos occupations. Cela va faire une semaine depuis l'incident de la dernière fois. Je regrette d'avoir fait un tel coup monté à Armin, d'autant qu'il s'intègre très bien dans notre groupe. Il ne semble pas désirer monter en grade, son rôle de stagiaire lui convient.

Alors que je me balade dans les couloirs, justement, je croise Armin. Il marche, perdu dans ses pensées. Soudain, il me voit, et son regard s'illumine. Il s'avance vers moi, tout sourire.

"- Sire Levi ! Quel plaisir de vous voir ! J'ai à vous parler.

- Bonjour, Sire Armin. De quoi s'agit-il ?

- Oh, rien de bien grave, rassurez vous. Simplement, pour enterrer définitivement la hache de guerre entre nous, je souhaiterais vous faire un présent.

- Un présent ? Quel type de présent ?

- Je ne peux vous en dire plus, c'est une surprise ! Pourrai-je passer par vos appartements dans la soirée pour vous le confier ?

- Oui, très bien, venez à 20 heure.

- Très bien, j'y serai ! Et bien à plus tard !

- Attendez ! Qui me dit que vous n'allez pas m'offrir un cadeau empoisonné ?

- Voyons ! Ce serait plus dans votre style de faire ça, pas dans le mien. Mais ne vous inquiétez pas, vous ne serez pas déçu...."

Il s'éloigne dans les couloirs, disparaissant à un angle. Eh bien, je suis curieux de savoir ce que ce jeunot va m'offrir....

Le Royaume d'Eldia  {Ereri}Where stories live. Discover now