Chapitre 13 : Fragile

1.7K 103 5
                                    

PEARL :

Je pris mon stylo et barrai le vendredi sur mon calendrier, tout comme la veille j'avais barré le jeudi, et l'avant-veille le mercredi. Cette sortie au parc d'attraction m'enchantait !

- Ma puce ! Tu descends manger ? m'appela mon père.

- J'arrive !

Je descendis les marches de notre duplex. A l'odeur, je reconnus immédiatement les lasagnes maison de mon père. Je salivai par avance. Pendant le repas, nous discutâmes de tout et de rien. Mon père était très important pour moi : je lui disais tout, ou du moins tout ce qui était assez décent, et il m'écoutait toujours avec une grande attention. C'était l'une des raisons qui faisaient que j'avais encore un peu de mal à couper le cordon, mais ça viendrait forcément. J'espérais juste qu'il rencontrerait enfin quelqu'un, pour ne pas être totalement seul.

Il aimait tous mes nouveaux amis, mais le plus surprenant était que, sans savoir pourquoi, il adorait Nolan. Il ne l'avait pas rencontré beaucoup de fois, mais apparemment cela avait suffi à le conquérir ! Le lapin qu'il m'avait posé avait été oublié en quelques secondes. Ils partageaient énormément de points communs malgré leur différence d'âge, et à ce stade, on pouvait vraiment parler d'une amitié naissante. Ils écoutaient le même type de musique, avaient le même humour, et j'en passais ! On pouvait croire à deux amis de longues dates, sauf que l'un avait cinquante ans et l'autre vingt-deux. J'avouai que j'étais cependant inquiète à l'idée que mon père s'attache trop à Nolan. Après tout, nous jouions, et notre relation ne pourrait pas rester telle qu'elle était éternellement. Je n'en avais pas envie, mais c'était inévitable. Pourrait-on rester ami une fois la romance arrêtée ?

Une fois le repas fini, je débarrassai et m'installai dans le salon pour réviser. J'avais toujours eu besoin d'un bruit ambiant pour travailler. Après plusieurs heures intensives, ma concentration fut brisée par quelques coups dans ma porte. Qui pouvait bien toquer chez nous à une heure si tardive.

- Pearl ?! me hurla mon père.

- J'y vais !

Je me levai pour aller ouvrir la porte. Je tombai alors sur Nolan. Mais il ne s'agissait pas du Nolan auquel j'avais l'habitude. Non, celui-là, il avait les yeux rouges, des larmes sur les joues et surtout, il empestait l'alcool. Tout son corps tremblait de froid, et pour cause : il était en T-shirt, en plein hiver. Je regardai au loin et vit sa moto renversée sur le sol. Il aurait pu mourir sur le trajet vu son taux d'alcoolémie.

- Pearl... souffla-t-il tout doucement.

Je voulus m'avancer vers lui mais il recula. Pourquoi me repoussait-il ? N'était-il pas venu ici pour me voir ? Alors qu'il s'apprêtait à faire demi-tour, je sortis de chez moi, en pyjamas, et le rattrapai. Je le pris dans mes bras en grelottant et vis bien que mon étreinte le consolait. Je ne savais pas ce qu'il avait, mais je savais qu'il avait besoin de moi.

- Nolan, rentre à l'intérieur... lui murmurai-je.

Je me décollai de lui et le tirai vers la maison. Il n'avait même pas la force de me repousser. Au fond, il n'attendait que ça, que je l'aide. Je criai à mon père qu'il n'y avait personne à la porte et je fis monter Nolan dans ma chambre. J'étais majeure et vaccinée, j'avais théoriquement le droit d'inviter des garçons à dormir dans ma chambre, mais j'étais malgré tout toujours sous le toit de mon père, la normalité aurait voulu que je lui demande. Et puis je ne voulais pas attirer plus que nécessaire l'attention sur Nolan.

Nolan passa la porte de ma chambre et découvrit pour la première fois mon espace de vie intime. A gauche, la tête centrée contre le mur, se trouvait un grand lit double. Les draps gris étaient un peu défaits, mais rien de grave. Au pied, il y avait un tapis, gris également. Et à droite, en face, se trouvait un bureau bien rempli, à côté d'une bibliothèque bien chargée également. En face de la porte, siégeait une grande fenêtre fermée par des volets manuels, et deux grands rideaux blancs tombaient sur le sol, se confondant avec les murs. Je le vis se concentrer sur le mur à côté de ma fenêtre, là où j'avais dessiné ma future fresque murale. Avec les pleurs et les larmes, il ne devait cependant pas réussir à lire l'inscription.

Je le fis avancer et le poussai en douceur sur mon lit. Nolan était frêle. Fragile. Tellement brisé de l'intérieur qu'il ne cherchait même plus à cacher sa souffrance. Il avait tellement mal, comme si jamais son cœur ne pourrait s'en remettre. Je remarquais qu'il voulait exprimer ses maux, mais aucun son ne sortait de sa bouche. Alors je lui souris pour le rassurer. Je n'avais pas besoin d'explications, pas tout de suite.

Il enfouit sa tête dans mon cou pour respirer mon odeur. Il me serra contre lui, un peu trop fort, mais je le laissai faire. Je le laissai pleurer dans mes bras, se vider de toute sa peine. Il en avait besoin. Je levai ma main vers son visage et caressai ses cheveux blonds. Il était mal, secoué par ses larmes, toujours frissonnant de froid. Je nous recouvris d'un plaid.

- Elle est morte, Pearl... prononça-t-il enfin.

Game OnWhere stories live. Discover now