Chapitre 27 : Amour

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PEARL :

La veille au soir n'avait pas été facile pour moi. Mon esprit partagé entre plusieurs émotions opposées, aucune qu'il ne comprenait, m'avait gardé éveillé toute la nuit. La joie et le doute suite à la déclaration de Nolan, la colère et le malaise suite aux révélations de son père. Nolan m'aimait-il ? Devais-je lui dire la vérité à propos de sa mère ? Comment être sûre de sa sincérité ? Ne valait-il mieux qu'il ne sache rien des infidélités de son modèle ? Je n'arrivais à prendre aucune décision, et je ne savais même pas si je devais en prendre une. Après tout, je ne pourrais jamais être sûre de ne pas me tromper en commençant une relation avec Nolan, et ses histoires familiales ne me concernait pas. Mais j'avais entendu des choses et je savais d'autres choses : il était difficile de rester impartiale. Impossible même.

Lundi matin, j'arrivai vers la table de mes amis, aux côtés de Steve, avec une certaine appréhension. Comment me comporter avec Nolan ? Devais-je dire quelque chose de particulier ? Faire comme si de rien n'était ? Mon insomnie ne m'avait été d'aucune aide pour savoir quoi faire, quand le faire ou pourquoi le faire.

Finalement, les choses se déroulèrent naturellement entre nous : Nolan m'enlaça, un peu trop intiment pour de simples amis, et je n'eus pas le courage de lui retirer son charmant sourire sur les lèvres en disant quoique ce soit.

- Ah Princesse ! s'exclama-t-il tandis que ma tête s'enfouissait légèrement dans le creux de son cou. Je m'inquiétais en ne te voyant pas arriver, j'ai cru que des pirates t'avais kidnappé sur une île déserte !

Je pouffai de rire et nos amis regardèrent Nolan avec des yeux éberlués. Nous expliquâmes à nos proches la paranoïa de la veille de Nolan – car oui, c'était de la paranoïa – et ma réponse humoristique à celle-ci. Je savais que je devrais lui parler, tôt ou tard, de mes sentiments et peut-être aussi de sa mère, mais pour l'heure je préférais profiter de lui. Après tout, qu'est-ce qu'un jour de plus ou de moins pouvait bien changer ?

L'heure de rejoindre l'interminable cours de statistiques de Madame Rockser arriva vite. Nous nous installâmes dans notre salle et fûmes directement assaillis par les plaintes incessantes de notre professeure.

- Sachez que je regrette grandement de m'être inscrite au conseil de vie du campus. A cause de ce foutu bureau des étudiants et de notre bon à rien de directeur, mon cours va servir de temps d'activité manuelle puisque vous allez y confectionner des banderoles pour le bal de fin d'année. Et je vais devoir vous surveiller ! On se croirait à l'école maternelle, c'est ridicule.

Le bal de fin d'année ? Je ne savais même pas que NYU en organisait un.

- Le thème est Modernité traditionnelle, continua la professeure irritée. Mettez-vous par groupe de quatre, sans bouger les tables.

Steve et Nolan, toujours assis devant nous depuis le début de l'année, se retournèrent vers Samantha et moi.

- Autant je suis content de ne pas faire de statistiques, autant faire une banderole ne m'enchante pas plus, commenta Steve. Je n'ai même pas prévu d'y aller à ce bal.

- Moi j'y vais ! cria presque Nolan.

Samantha leva un sourcil en l'air à sa remarque.

- Habituellement, tu détestes ce genre de choses, la rejoignit Steve.

Nolan haussa les épaules.

- Peut-être, mais cette année, j'ai une partenaire.

Il me gratifia d'un petit sourire taquin. Je levai les yeux au ciel et ris. Qui aurait-cru que Nolan serait un jour aussi enthousiaste à l'idée d'aller à un bal ?

- Ce sera mon premier, l'informai-je.

- Tu n'as jamais fait de bal au lycée ou en licence ?

Je niai.

- Mon université à San Francisco n'en organisait pas.

Je tus volontairement ma période de lycée. J'avais été scolarisée à la maison pendant presque trois ans et je n'aimais pas réellement en parler, les autres avaient tendance à me voir différemment après.

- Une université qui n'organise pas de bal ? répéta Steve. Je ne savais même pas que ça existait aux Etats-Unis. Je pensais que c'était une obligation nationale d'organiser ce truc.

- Pourquoi tu n'aimes pas les bals ? demandai-je.

De mon côté, je trouvai la tradition attendrissante.

- Ça me saoule, il faut être bien habillé, avoir une partenaire, louer une limousine...

Je pouffai.

- C'est parce que tu rages d'être célibataire que tu dis ça, me moquai-je.

Steve souffla et repoussa la feuille de brouillon qu'avait sortie Samantha. Apparemment, il n'allait pas nous aider. Quel type de banderole étions-nous censés réalisés d'ailleurs ?

...

Ce soir-là, mon père avait un rendez-vous avec la jeune libraire – un deuxième. Le premier s'était tellement bien passé que, pour l'occasion, il lui cuisinait un repas à l'appartement. Il avait mis beaucoup de temps à me demander de me faire discrète lors de cette soirée, il voulait garder les présentations officielles pour plus tard mais se sentait gêné de m'exclure. Finalement, j'avais fait bien mieux que de me cacher dans ma chambre : j'étais sortie pour lui laisser notre chez nous tout à lui. Car j'étais personnellement très heureuse de voir mon père enfin accompagné, après tant d'années de solitude.

Ma mère était partie tôt, mais mes parents m'avaient fait croire au grand amour. Ils s'étaient aimés et mariés jeunes, et rien n'auraient pu les séparer. Du moins, rien à l'exception du cancer. Je savais que mon père avait eu beaucoup de mal à se remettre de sa mort, son avenir certain s'effondrant soudainement. Peut-être était-ce pour cela que j'étais si exigeante avec Nolan. Il n'avait pourtant fait aucun faux pas depuis que nous avions décidé de nous lancer dans notre jeu de séduction un peu immature. Pourtant, au début, j'avais cru faire la rencontre d'un étudiant misogyne, irrespectueux et présomptueux.

- Au final, je vais aller au bal avec lui, pensai-je.

Au final, j'avais découvert un homme taquin, doux, fragile et profondément bon.

Je regardai les illuminations de New-York. Cette ville était loin d'être parfaite : beaucoup de personnes devaient cumuler plusieurs emplois pour subvenir à leurs besoins ou à ceux de leur famille ; d'autres étaient victimes de leurs origines sociales ou de leur genre et subissaient une injustice constante ; et le sol reflétait la pollution invisible de l'air. Mais New-York était aussi une jolie ville. Une cité où la littérature avait sa place, où les taxis jaunes reflétaient l'animation, où j'avais trouvé beaucoup de choses. En peu de temps, New-York m'avait offerte beaucoup de choses.

Mon téléphone vibra dans ma poche et je le sortis. C'était mon père.

De Papa : Elle est partie, tu peux rentrer ma puce. 00h17

Je commençai donc à prendre le chemin pour rentrer, et je passai devant Le Marquee. Cette boîte de nuit, mes amis et moi l'avions fréquenté plus d'une fois. C'était là que tout avait commencé avec Nolan.

Seulement, alors que j'aurais pu me remémorer tous les merveilleux souvenirs que je rattachais à cet établissement, mon cœur cessa de battre. Je sentis que ma respiration se coupait, que mes poils se hérissaient, que ma gorge se nouait avec une force que j'avais rarement connue.

Parce que ce que je vis m'horrifia.

Parce que je croisai le chemin de Nolan.

Parce que Nolan en embrassait une autre que moi.

Game OnWhere stories live. Discover now