Only Say The Truth [BoyXBoy]

Chapitre 23

Alors que j'enchaîne les verres depuis presque une heure, et que Jackson ne cesse de me demander de ralentir, je vois le visage de Kim s'éclairer de surprise, et elle s'écarte de nous. Je la suis donc du regard, et la voit se diriger avec hâte vers William, qui vient d'apparaître dans mon champ de vision. Je me demande ce que cherche Kim. Il y a quelques mois, quand William est arrivée, elle était une des premières à le détester ouvertement pour qui il était, et aujourd'hui, la voilà qui est enchantée de le retrouver.

J'ai besoin de quelques secondes pour réaliser que c'est aussi mon cas.

William nous rejoint donc, et Jackson aussi semble content de le voir. Je me demande s'ils l'accueillement aussi bien parce qu'ils ont eux aussi un peu trop bu. J'essaie de rester droit, de cacher mon trouble, mais j'ai la sensation que mon visage va prendre feu. Je devrais pourtant savoir que je n'ai jamais été un bon buveur, pourtant je me suis laissé aller et j'ai déjà bu plus que ce que mon corps n'était capable de supporter. En observant William qui se fait servir un verre en discutant avec Kim, je me demande s'il est arrivé aussi tard pour tester ma patience. Comme s'il voulait s'assurer que je n'avais aucune mauvaise intention à son égard. Je m'en veux de l'obliger à adopter un comportement aussi défensif, je suppose que si je n'avais pas été un tel connard ces derniers mois, il lui serait surement plus aisé d'être mon ami.

Il ne faut pas longtemps à William pour trouver sa place. En moins d'une heure, il me donne la sensation d'avoir toujours été avec nous, de faire partie de notre cercle depuis des années. Je l'observe avec attention. C'est la première fois que je le vois aussi détendu, qu'il me donne l'impression d'avoir l'âge qu'il est censé avoir. J'ai beau rester en retrait, je ne peux m'empêcher de sourire bêtement. Je regrettais d'être venu, mais maintenant que William est arrivé, je me sens mieux. J'ai la sensation que je peux avoir confiance en lui, et c'est une sensation qui m'est usuellement étrangère.

Aux alentours de minuit, Kim qui semble commencer à s'ennuyer décide de se faufiler à travers la foule pour rejoindre la piste de danse. Évidemment, Jackson ne se fait pas prier pour la suivre, et en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, je me retrouve seul, appuyé contre le comptoir du bar, avec William, que j'observe du coin de l'œil. Soudain, je le vois sourire, l'air amusé. Il tourne la tête vers moi, et écarquille les yeux en remarquant que je l'observais déjà. Il me fait alors un signe de la tête pour m'inciter à regarder dans la direction de nos amis danseurs, ce que je fais. Kim danse avec Jackson, et pourtant elle ne me lâche pas des yeux, et ses gestes lascifs me sont clairement destinés. Je la dévisage quelques secondes, complètement embarrassé par son attitude, et me reconcentre sur William, qui m'intéresse bien plus.

-Qu'est-ce qui t'a pris autant de temps ? demandé-je en haussant la voix pour qu'il puisse m'entendre.

William se penche vers moi pour ne pas avoir à crier, et répond :

-Si j'avais eu ton numéro, je t'aurais demandé de venir me chercher, mais ce n'était pas le cas, et puisque demander la voiture de mon père n'était pas une option, j'ai dû attendre que Mike soit disponible pour me déposer ici. Puis j'ai dû le convaincre que ce n'était pas un piège, et que toi et tes amis n'avaient pas l'intention de me tuer.

De ce que je sais de Mike et de son instinct de protection, je devine combien William a dû se montrer convaincant pour que son ami le laisse seul avec nous. Je m'écarte de William pour le considérer quelques secondes.

-Donne-moi ton téléphone.

William obtempère sans me poser de question et me tend son téléphone. Je créé alors une nouvelle fiche à mon nom dans ses contacts, et y ajoute mon numéro. Je rends son téléphone à William qui observe l'écran d'un œil circonspect.

-Comme ça, tu pourras me contacter maintenant, souris-je, tu n'as plus d'excuse.

Le claquement du verre de Kim sur le comptoir me fait sursauter et m'oblige à détourner les yeux de William, elle tend son verre au barman pour qu'il la serve de nouveau, l'air plus que frustrée par l'attention que je ne lui porte pas. J'ai beaucoup de mal à la supporter. Je n'aime peut-être pas énormément Jackson, mais pour autant, ce n'est pas quelqu'un de foncièrement mauvais, et Kim se moque ouvertement de lui qui semble ne rien voir. Pourtant, lorsque je croise son regard, j'ai la sensation qu'il a deviné qu'elle ne l'apprécie pas autant qu'il le voudrait. Il boit donc le shot que Kim lui a commandé en même temps que le sien, règle l'addition, et me prévient qu'il est fatigué, et qu'il rentre chez lui. Étant le chauffeur de Kim, cette dernière se voit obligée de nous quitter pour partir avec lui. Dès qu'elle sort de la pièce, j'ai l'impression que je recommence à respirer. Je ne saurais dire quoi, mais quelque chose chez elle me rappelle mon père, et j'ai bien plus de mal à cacher l'animosité que je ressens à son égard qu'avant. Je commande une vodka, qu'un serveur me donne presque dans la seconde, et lui demande de ne pas attendre pour m'en servir trois de plus.

-Tu veux boire quelque chose ? demandé-je à l'intention de William.

-Non, j'ai assez bu...

Je hausse les épaules, et termine un premier verre avec une grimace, la vodka étant plus forte que ce à quoi je m'attendais. Alors que j'attrape le deuxième verre que le barman vient de déposer devant moi, William saisit mon poignet. Surpris par son geste, je tourne brusquement la tête vers lui pour le dévisager avec incompréhension.

-Je pense que tu as assez bu, Aydan.

Je baisse les yeux, et observe les verres avec apathie. Quel idiot. William vit déjà avec un ivrogne, il n'avait certainement pas besoin que je lui inflige ce spectacle pitoyable. Je paie donc mes verres, et offre ceux que je n'ai pas bus à un groupe de filles qui viennent d'arriver. J'ai la tête qui tourne tellement que je me demande comment je suis encore capable de me tenir debout. Nous nous dirigeons finalement vers la sortie.

Une fois sur le parking, je cherche ma voiture les yeux plissés et titubant, incapable de rester droit sur mes jambes. William, l'air ennuyé par mon état, attrape mon bras gauche pour le passer sur ses épaules et me prend les clés des mains pour nous rendre jusqu'à mon véhicule qu'il retrouve en activant les phares à distance.

-Je comptais sur toi pour me ramener, mais il semblerait que je vais devoir me débrouiller, marmonne-t-il.

Il m'aide à m'asseoir sur le fauteuil passager, et me demande si je suis capable de m'attacher tout seul. Je bafouille pitoyablement que oui, et essaie donc de mettre ma ceinture, ce que je m'avère incapable de faire sans l'aide de William. Il monte derrière le volant, démarre, et prend la route.

-Aydan, je ne sais pas par où aller, il va falloir que tu m'aides un peu, dit-il quelques minutes après son départ.

Je lui donne quelques vagues indications, qui lui suffisent néanmoins à retrouver son chemin, et il se stationne sans problème devant chez moi. Je regarde le porche allumé de la maison, et je n'ai pas envie d'y entrer. Je n'ai pas envie de revoir mon père. Ma mère non plus. Je ne sais pas comment je suis encore capable de lui mentir. J'ouvre ma portière, et tombe à genoux dans l'allée en essayant de descendre du véhicule. William accoure pour me relever, et m'observe du coin de l'œil. Il m'aide à atteindre la porte d'entrée.

-Tu vas pouvoir atteindre ta chambre sans te casser le dos dans tes escaliers ? demande William en souriant.

Je tourne la tête vers lui en lui jetant un regard dépité, tout en essayant vainement d'enfoncer mes clefs dans la serrure. Cette fois, je sens qu'il a très envie de se moquer de moi, et qu'il se retient de rire. Il finit donc de m'assister en ouvrant la porte pour moi, et monte l'escalier avec moi, marche par marche, en m'empêchant de les dévaler toutes les dix secondes.

Une fois que nous avons atteint plus ou moins discrètement ma chambre,William me lâche en me jetant presque dans mon lit. J'enfouis mon visage dans l'oreiller,pressé de me coucher, et remercie William de m'avoir raccompagné, la voix étouffée par le coussin.