Chapitre 8

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Une semaine. Ça fait une semaine que William n'est pas venu en cours. Le personnel du secrétariat me met la pression, m'assure que moi aussi, je vais avoir des ennuis, voire être exclu du cursus scolaire s'ils n'ont pas très vite des nouvelles de la part de William. J'ai une pile de documents accumulés au long des cours que je dois lui remettre, et j'ai beau avoir essayé de convaincre Mike de les lui apporter, il me répète de me débrouiller seul, que quitte à avoir forcé William à travailler avec moi, autant que je fasse les premiers pas vers lui. 

Je ne comprends pas la raison de son absence. Peut-être est-ce sa façon à lui de se venger ? Ou bien Jackson me ment peut-être quand il me dit qu'il n'a pas recommencé à le frapper après notre discussion, et qu'il fait un séjour à l'hôpital ? Agacé de me tourmenter autant l'esprit, et commençant à me sentir coupable, je décide d'aller directement à la source du problème et demande l'adresse de William au secrétariat de l'université. Je suis surpris en recherchant son adresse sur Internet de voir qu'il vit dans un HLM d'un quartier angoissant de Washington, et non dans un quartier résidentiel. Après la remarque cinglante qu'il m'a faite l'autre jour, je comprends qu'il fait probablement parti de ceux qui ont dû se battre pour entrer dans notre faculté. J'essaie en vain de ne pas penser aux mots dégradants que mon père utiliserait s'il savait que William n'avait pas le même genre de situation que nous.

La rue qui mène à son immeuble craint plus que je ne l'imaginais. C'est à se demander si je ne me suis pas trompé d'adresse. L'image du William droit et mesuré auquel tout le monde fait face à l'université ne semble pas vivre ici. Je monte des marches vers une porte d'appartement griffée. Je reste un instant devant. J'ai été dégueulasse avec lui, je lui dois bien ça. Je toque trois coups à la porte. J'entends une voix qui gronde à l'intérieur. Il semblerait que j'ai bien choisi mon moment. La porte s'ouvre brusquement. William met un certain temps à se rendre compte que je me trouve bien en face de lui. Quand il réalise, ses yeux s'écarquillent et il sort sur le pallier pour fermer la porte derrière lui. Il a une tache sombre sur la mâchoire, et un œil plus sombre que l'autre.

- Qu'est-ce que tu fais là ? marmonne-t'il.

- T'es pas venu depuis une semaine, et on a une thèse à écrire. J'ai des cours à te transmettre.

Il croise les bras, attend que je lui les donne. Encore une fois, c'est ma curiosité qui l'emporte sur ma raison, et je ne peux m'empêcher de demander :

- Pourquoi tu ne reviens pas en cours ?

Il fronce les sourcils, serre ses doigts autour de son avant-bras. Je remarque clairement ce qu'il essaie de cacher. Une dizaine de griffures larges et boursouflées, commençant à peine à cicatriser. Le genre de plaies que l'on a quand on se les fait à soi-même. Je soupire, agacé. Je ne le pensais pas aussi faible. Je n'ai jamais compris le besoin qu'ont les gens de se faire du mal. Peut-être parce que moi, au lieu de faire ça, je blesse les autres quand ça ne va pas ? Je secoue la tête pour reprendre mes esprits avec difficulté. Une voix enrouée me sort de mes pensées.

- Bon, tu reviens sale pédale, j'ai pas fini !

Je dévisage William. Ses épaules s'affaissent et son visage se décompose. Son regard est dur, froid. Il a tendance à changer très vite d'humeur, je l'ai déjà remarqué, mais jamais aussi radicalement qu'il vient de le faire.

- Si tu n'as pas l'intention de me donner les cours, tu devrais rentrer chez toi, siffle-t'il.

Alors qu'il referme la porte sur moi, je me faufile à l'intérieur et le laisse surprit. Il grogne quelque chose que je ne comprends pas. Soudain l'expression de colère dans son regard change, et j'y décèle plus de peur qu'autre chose. Avant que je ne me retourne, je me retrouve le poignet broyé dans la main d'un homme lourd qui lève l'autre poing et s'apprête à le cogner sur mon visage. Je ferme les yeux, prêt à encaisser, ne sachant pas quel autre comportement adopter. J'entends un bruit sourd et un gémissement. J'ouvre les yeux. William est devant moi, il s'est interposé. Je ne l'aurais jamais cru capable d'autant de courage. Le type me lâche. Je m'écarte.

- Arrête, crache William.

L'homme essaie d'abattre tout son poids dans un nouveau coup de poing que William arrête sans soucis. Il le fait reculer, le pousse dans le canapé. Le sale type semble sonné. Il a une bouteille de whisky dans la main. En y faisant attention, je me rend compte que l'appartement est exigu, sombre, en désordre. Ça pue la transpiration et l'alcool. Si on n'y prête pas attention, cet homme qui paraît avoir la quarantaine ressemble à un homme d'affaire, enveloppé, mais propre sur lui. William arrache la bouteille des mains de son père et la vide dans un évier. Puis son attention se reporte vers moi.

- Maintenant que tu as eu ce que tu voulais, tu devrais partir.

Je ne sais plus quoi faire. Quand il est arrivé, je le haïssais pour tout ce qu'il représentait, et aujourd'hui, j'ai l'impression de l'apprécier plus que mes amis de longue date. J'ai presque l'impression que j'ai de l'empathie pour lui. Moi, Aydan Marsh, j'ai de l'empathie pour quelqu'un. De toute ma vie il me semble bien que c'est la première fois.


Only Say The Truth [BoyXBoy]Where stories live. Discover now