Chapitre 4

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Au matin, je ne le vois pas dans la classe. J'ai l'impression que quelque chose cloche. Et quand je tourne la tête vers Jackson pour lui demander ce qu'il se passe, je vois bien qu'il cache quelque chose. Il a les mains qui tremblent, les phalanges rougies par les coups. J'essaie de me persuader que c'est le cours de boxe, mais je ne suis pas si naïf. Je me concentre sur l'intervenant pour me changer les idées. Mais ce n'est pas si simple d'oublier mes hypothèses en voyant la porte s'ouvrir sur William. Son tee-shirt est maculé de sang, et il a la lèvre fendue ainsi qu'un énorme bleu à la mâchoire. Je serre les dents.

- Monsieur Peterson, demande l'enseignant, tout va bien ?

William enfonce alors ses yeux dans les siens avec une froideur terrifiante et répond :

- Tout va bien. Vous pouvez reprendre, je rattraperai sur le site de la fac.

Il s'installe au premier rang, toujours seul dans un coin. Je tourne la tête vers Jackson. Il a la sienne baissée, braquée sur sa feuille. Je ne l'avais jamais vu si studieux depuis le début de nos études.

Je n'écoute presque rien du cours. Dès que la sonnerie résonne dans la salle, je jette mes affaires dans mon sac et quitte la pièce. Je me sens oppressé, j'ai l'impression d'avoir été témoin d'un assassinat et de refuser d'aller témoigner auprès de la police. Je m'installe sur un banc, ferme les yeux. Pourquoi William n'a-t'il pas vendu la mèche ? L'orgueil ? La menace ?

Quelqu'un s'assoit à côté de moi. Je tourne la tête. William mange une pomme, les yeux rivés vers les bâtiments. Je le dévisage, surpris qu'il ne fasse un pas vers moi.

- Tu vas revenir aux cours ?

J'écarquille les yeux sans pour autant répondre à sa question.

- Je préfère que vous ne reveniez pas, toi et ton ami, ajoute-t-il d'un air détaché.

- Je ne comptais pas y retourner, mais en revanche je ne peux pas décider pour Jackson.

- D'accord. Je lui en parlerai alors.

Il se lève, jette le trognon de sa pomme directement dans la poubelle.

- William ?

Il se retourne. Je ne devrais pas demander ça. Je suis trop curieux.

- C'est Jackson qui t'a fait ça ?

Je vois alors son visage se fermer, et ses yeux verts s'assombrissent de nouveau. C'est raté.

- Au revoir.

Il me tourne le dos, s'éloigne à grand pas. Mais pourquoi s'obstine-t-il à se point à ne rien dire ? Je ne le porte peut-être pas dans mon cœur, mais Jackson mériterait d'être renvoyé pour ce qu'il a fait. J'ai conscience de ne pas être le camarade d'étude idéal, et réflexion faite, je me demande bien pourquoi est-ce qu'il m'aurait répondu.
Juste avant le cours suivant, je m'arrange pour croiser Jackson. Je le pousse dans une salle vide, à l'écart de l'attention des autres.

- Eh, qu'est-ce qui te prend ? grogne-t-il.

- Est-ce que c'est toi qui a tabassé William ?

Il vire au rouge avant de se ressaisir rapidement du mieux qu'il le peut. Je devine au long silence qui succède à ma question qu'il cherche une excuse potable. Visiblement, il n'en trouve pas puisqu'il avoue aussitôt.

- Qu'est-ce que ça peut te faire ?

- Tu vas te faire avoir. Et s'il te balance, tu y as pensé à ça ?

- Il ne le fera pas, il a trop d'orgueil.

Je secoue la tête, exaspéré. J'ai envie de le frapper. Mais je ne dois pas le faire. Je dois me retenir absolument et ne pas m'abaisser à son niveau. Ma gestion de la colère n'est pas mon fort.

- Mais qu'est-ce qu'il t'a fait... soupiré-je.

- Il est pédé ! Et il le dit ouvertement ! Il s'en fout de ce que pensent les autres.

Je me mords l'intérieur de la joue pour ne pas lui répondre honnêtement qu'il peut faire ce qu'il veut, que s'il assume c'est tant mieux pour lui, que ça ne nous regarde en rien. Que même moi j'ai probablement eut tort de vouloir m'acharner sur lui. Mais à la place je réponds :

- Arrête tes conneries, je veux pas être mêlé à ça et finir au poste.

Je sors de la pièce et rejoins le reste du groupe dans la salle de cours suivante. Je n'arrive pas à m'empêcher d'observer William en rejoignant mes amis. Il a l'air d'en avoir sérieusement besoin. Plus que n'importe qui dans cette salle.

Au cours de l'heure, l'éducateur nous présente un projet qui aura un gros coefficient pour notre diplôme de fin d'année. Il nous faut écrire une thèse sur le sujet de notre choix, mais qui concerne nos enseignements. Le tout en binôme. Lorsque la liste officielle circule pour inscrire les noms des binômes, je vois le sien, William Peterson, seul. Kim, me demande si je peux travailler avec elle, en me proposant de passez à son appartement après les cours.

- Non. Inscris-toi avec Jackson.

Elle fronce les sourcils, ce qui forme une ride adorable sur son front. Si ce n'était pas pour Jackson, j'aurais certainement déjà couché avec elle. J'écris mon prénom et mon nom dans la même case que celle de William. Kim lit par dessus ma main.

- Tu t'inscris avec lui ? Mais tu le connais même pas ! s'indigne-t-elle.

J'écarquille les yeux. Voilà le genre de réaction que je craignais. Je fais passer la feuille.

- Il me fait pitié à être toujours seul. Au moins il aura quelqu'un avec qui bosser pour la thèse.

- Depuis quand t'as une âme de bienfaiteur, toi ? crache-t-elle, vexée.

Je ne réponds pas. Le professeur récupère la liste, énumère les groupes en donnant à chaque fois l'horaire et la date assignée aléatoirement pour leur oral en solo. Lorsque vient le tour de notre binôme, William se retourne pour me dévisager d'un air agacé. Les autres sont plus discrets, mais tout aussi surpris que lui. Je hausse les épaules et note les informations en essayant de paraître aussi indifférent que je l'aurais été d'habitude.

A la fin de l'heure, il me rejoint.

- Je te fais pitié à ce point là ? demande-t-il sèchement.

- Il faut croire.

Je ramasse mes affaires, quitte la salle. William n'insiste pas. La matinée est terminée. Je me demande si j'ai bien fait de m'inscrire avec William. La thèse est essentielle pour terminer l'année, et si jamais nous ne parvenons pas du tout à nous entendre, ça reviendra à mettre cinq ans de travail, ainsi que mon avenir à la poubelle.

Je rejoins mon pick-up au ralenti, peu pressé de rentrer chez moi. Alors que je m'apprête à démarrer, mon téléphone se met à vibrer. Je décroche.

- Allô ? C'est qui ?

- Aydan ? C'est Ashley.

- T'as changé de numéro ?

- Non, c'est parce que c'est pas mon portable, mais on s'en fiche. Je suis devant la maison et Papa refuse de m'ouvrir.

- J'arrive dans dix minutes.

Je raccroche et démarre aussitôt. Je ne comprends pas pourquoi il ne la laisse pas entrer. Ça fait trois ans qu'on ne l'a pas vue, il devrait au contraire accueillir son enfant préférée à bras ouverts.

Only Say The Truth [BoyXBoy]Where stories live. Discover now