Chapitre 10 - Luna

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A l'avant du bateau, le vent est d'une puissance phénoménale. Les violentes rafales malmènent notre embarcation pourtant solide. Les flots impétueux sont déchaînés. Perdu dans cette immensité bleu-gris en mouvement constant, le bateau de croisière m'apparaît soudain très petit.

Une vague gigantesque se dresse au dessus de nos têtes et je serre très fort la main de Dan. Accrochés les uns aux autres comme nous le sommes, nous n'en menons pas large.

- C'est quoi le plan ? crie Vic par-dessus le fracas des vagues et les mugissements du vent.

Paniquée, toute ma détermination envolée, je réponds urgemment sur le même ton :

- Prenez de l'air et fermez la bouche !

De ma main droite, j'attrape la première rambarde que je trouve, décidée à ne pas la lâcher quoi qu'il arrive.

Quand cette impressionnante masse d'eau s'abat sur nous, je sens les doigts de Dan glisser entre les miens et je resserre ma prise. Si l'un de nous lâche... Mieux vaut ne pas l'imaginer.

L'eau se retire du pont et je reprends mon souffle lorsque le bateau se met à pencher dangereusement vers la droite. Mes pieds dérapent, je roule sur le plancher et me rattrape de justesse à une barrière. Me relevant tant bien que mal en contrebalançant mon poids par rapport à l'inclinaison de notre sol, je croise les regards effarouchés de mes amis. Ils me font confiance... Dans quoi est-ce que je les ai embarqués ?

La honte m'envahit. Trempés de la tête aux pieds, ils me regardent, attendant que je leur dise quoi faire.

- Regardez ! s'exclame Camille, horrifiée.

Apparemment, nous venons de rentrer dans la première boucle du tourbillon, une immense colline d'eau qui entoure de plusieurs centaines de mètres le centre ; la bouche de Charybde. La force centrifuge, couplée à l'aspiration du monstre, nous maintient pour l'instant en hauteur sur cette « barrière », mais plus nous progresserons vers le milieu plus nous nous enfoncerons...

Pour s'en sortir, il nous faudra un paquet de chance. D'autant la vitesse de notre rapprochement ne va qu'augmenter au fur et à mesure...

- Luna, c'est le moment de nous partager ton idée de génie, fait gravement Marion.

Soudain, je la trouve ridicule, cette idée folle qui m'est venue. Comment ai-je pu imaginer une seule seconde qu'elle fonctionnerait ?

Je déglutis.

- J'ai pensé... Nous sommes en plein mythe, n'est-ce pas ? Charybde, la déesse Artémis... Alors j'ai pensé qu'on pourrait... faire une offrande au dieu de la mer. Poséidon.

Lentement, je vois sur leurs visages une expression perplexe remplacer leur lueur d'espoir.

Vic me dévisage comme si j'étais un cas désespéré.

Marion a l'air outrée et je sais qu'elle se retient de balancer un commentaire acerbe.

Quant à Dan, il conserve une expression neutre et indéchiffrable, comme toujours, mais il me semble déceler en lui une pointe de déception qui me pince le cœur.

- Moi je dis que ça peut marcher.

Cette touche d'optimisme a bien sûr été apportée par Camille. Cette confiance, à défaut de me convaincre, me réconforte un peu.

Vic fronce à présent les sourcils et Marion esquisse une moue dubitative.

- On peut toujours essayer, avance Dan.

- De toute façon, s'agace Camille, est-ce que quelqu'un a une meilleure idée ?

- Oui, grogne Marion. On rentre dans nos cabines et on laisse l'équipage faire son boulot.

La fille de la LuneWhere stories live. Discover now