La fille de la Lune

Chapitre 22 - Luna

C'est vraiment n'importe quoi. Comment la situation a-t-elle pu dégénérer aussi vite ? Je me sens responsable, j'aurai dû en prendre conscience bien plus tôt, j'étais la seule à pouvoir tout arrêter avant qu'il ne soit trop tard. Seulement maintenant il est trop tard.

Mes amis ont déjà frôlé la mort, j'ai totalement perdu le contrôle de moi-même à cause d'une saleté de médaillon ensorcelé qui nous avait pourtant sauvé la vie, bref rien ne va plus. Évidemment qu'on ne s'en sortira pas indemne, franchement Luna, tu t'attendais à quoi ?

On est reparti de Corfou. Sur cette mer, la pensée du nombre de monstres marins qui vivent sous la coque de notre bateau, attendant de nous faire chavirer, va et vient, mais ne me laisse jamais vraiment tranquille.

- Luna !

Je me dresse. C'est la voix de Camille !

- Viens voir, vite !

L'angoisse commence à monter. C'est de très mauvais augure, vu les pensées dans lesquelles j'étais plongée, ne me dites pas que...

Je monte les escaliers quatre à quatre et débarque sur le pont à toute allure.

- Regarde ! Des dauphins !

Et le spectacle me coupe le souffle.

Une quinzaine de dauphins bondissent et disparaissent tour à tour dans les flots ils sont grands, majestueux, presque irréels... une larme roule le long de ma joue, je ne sais pas si ce sont les embruns ou juste la pression qui redescend ?

Mes quatre amis sont là, avec Paul, Maddie, bref tout le monde va bien et j'ai une montée d'émotions. Dan s'en aperçoit et s'approche pour me faire un câlin.

Sa présence est beaucoup trop réconfortante...

- Tu vas bien ?

- Ça va, je réponds, le nez dans son sweat. Merci...

Il m'ébouriffe les cheveux en rigolant, puis s'écarte un peu.
- Dis Lulu, braille Vic. Si t'as une légende sur les dauphins c'est le moment !

Je cligne des yeux.
- Eh mais oui en plus !

- Attends sérieux ? T'as vraiment des histoires sur tout !

- Pas moi, les grecs.

- Oui enfin, c'est toi qui a tout retenu tout de même.

- Bon alors, tu racontes ou quoi ? s'impatiente Marion.
Je m'éclaircit la voix.

- En des temps lointains, Dionysos, dieu de la vigne, de la fête et du théâtre, entreprit d'envahir l'Inde, afin de s'y faire connaître. Il partit avec son cortège de léopards, de ménades et de satyres et tenta de remonter le long du Gange, pour conquérir le pays à force de folie et d'ivresse. Son entreprise échoua, dans un sens, mais il parvint tout de même à acquérir une certaine notoriété - et n'était-ce pas le principal but recherché ?

- Ils sont où les dauphins ? intervient Vic en rigolant.

Dan lui flanque une tape sur la tête pour lui intimer le silence, ce qui me fait sourire. Malgré l'angoisse qui ne fait que monter, j'ai toujours l'impression de respirer de grandes bouffées d'air frais dans ce genre de moments avec eux.

- Pour rentrer en Grèce, poursuis-je comme si de rien n'était, il se fit passer pour un mortel et embarqua sur un navire marchand qui accepta de l'emmener. Or il apparut très vite que les soi-disant marchands étaient en fait des pirates, et qu'ils avaient l'intention de le vendre comme esclave.

- Grossière erreur, commente Paul, tout sourire.

Bizarrement je ne trouve plus ça si drôle à présent. Un goût amer sur la langue, je raconte la fin.