Chapitre 2 - Camille

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Je déteste Vic. Le jour de la rentrée, le jour où nos parents et beaux-parents travaillent le plus longtemps, cet idiot s'est débrouillé pour oublier le seul et unique trousseau de clefs à notre disposition.

- Bon, je soupire, exaspérée. Alors on fait quoi ?

- Vous pouvez venir à la maison, propose Luna. Je suis sûre que Paul sera d'accord. Et vous pourrez appeler vos... votre père, se reprend-elle. Pour lui dire que vous êtes chez moi.

Merci, Luna. Tu t'es rappelée que nous ne pouvons pas appeler nos parents. Notre père a divorcé deux jours après notre naissance. Il s'est remarié deux ans après avec quelqu'un que j'ai tout de suite détesté. Ma « belle-maman » (que je ne trouve pas si belle que ça) avait déjà une fille de sept ans, Tina. Elle nous a fait office de grande-sœur, c'est-à-dire qu'elle a bousillé notre enfance. Quand à notre mère, elle s'est mise à boire beaucoup. J'aurai préféré rester avec elle, loin de Tina et de sa mère mais les services sociaux ont décrété qu'il valait mieux que nous vivions avec notre père et sa nouvelle famille. Ma mère, une fois libérée de la responsabilité d'élever ses enfants (longue phrase d'adulte que signifie clairement : une fois libérée de nous) s'est mise à enchaîner les copains. Je pense qu'elle n'a toujours pas digéré que papa soit parti.

Bref, on n'a pas vraiment une famille géniale alors je suis contente quand je vais chez Marion, Luna ou Dan.

- Je peux m'inviter ? lance justement celui-ci.

- Non, rétorque d'emblée Luna avant de lui donner un coup de coude et d'ajouter devant sa mine boudeuse : Je rigole ! tu peux venir, si Sophie est d'accord !

Il vient ! Je ne peux m'empêcher de sourire.

- Merci. De toute façon, je dispose d'un moyen de pression, fait-il en désignant son vélo avec un sourire diabolique.

- Ça, un moyen de pression ? rigole mon frère. T'es pas le seul à avoir un vélo mon pote !

- Au fait, je lance à Luna, sautant sur l'occasion. Si tu en as marre des embardées, tu peux monter avec moi !

Oui, j'avoue, c'est traître de ma part. C'est juste que j'en ai assez de les voir si complices, tous les deux. J'imagine que c'est compréhensible, ils se connaissent depuis si longtemps, et ils ont le droit d'être amis ! Mais j'ai toujours un petit pincement au cœur, une petite amertume quand je les voie si attachés l'un à l'autre. Je crois que je me fais des idées. Luna n'a certainement pas oublié son vélo exprès !

- Merci beaucoup, me répond Luna en exagérant son soulagement.

- Hé, proteste Dan. Je ne conduis pas si mal que ça !

- On parle du fait que j'ai failli tomber quatre fois, que tu prends les virages beaucoup trop serrés et que j'ai vu ma dernière heure arrivée quand tu as dérapé en catastrophe devant le collège ?

Il hausse les épaules.

- Crois-moi, tu n'aimerais pas monter à l'arrière d'un vélo si le conducteur était comme toi, achève Luna avec un regard affligé à notre ami.

Elle monte avec moi et nous arrivons devant chez elle. Elle nous ouvre, balance son sac dans l'entrée et crie dans l'escalier :

- Paul ?

-Oui ?

- Vic et Camille n'ont pas leurs clefs, ils peuvent s'inviter ?

- Bien sûr !

- Et Dan ?

- Il a aussi oublié ses clefs ?

Luna pousse un soupir exaspéré.

La fille de la LuneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant