Chapitre 14 : Camille

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Ça fait mal. Ça fait très mal.

Le problème avec ceux qui vous connaissent bien, c'est qu'ils savent exactement où frapper pour faire mouche.

Je m'éloigne d'un pas rapide, mais chancelant.

« Bien sûr que Dan a raison » a dit Marion. Pour les autres, c'est sans doute passé inaperçu mais... je l'ai reçu comme une insinuation. Pourtant elle n'est pas censé être au courant pour le râteau monumental que je me suis pris... Peut-être qu'elle a deviné ?

Je panique, là. Si elle a deviné, qui d'autre... ? Raah ! Non, je ne voulais pas qu'elle – qu'ils le sachent ! C'est Dan qui l'aurait dit ? Pourquoi il aurait fait ça ?

Ou alors elle nous a bel et bien entendus. Après tout, c'est juste après ça qu'on l'a retrouvée... Pff, je ne sais pas ce qui est le pire. J'espère tellement que Marion a juste dit ça au hasard...

Et puis, s'il n'y avait que ça ! Elle m'a fait passer pour une joyeuse imbécile ! Je cherchais juste à la rassurer, moi. À la place, je me suis pris une explosion de ressentiment en pleine face.

Je suis vexée, oui, mais surtout triste. Pourquoi elle a dit ça ? Elle avait vraiment besoin de se défouler sur quelqu'un ?

Je m'arrête dans un coin et offre mon visage au soleil. Sa chaleur me réconforte. Et puis j'entends des pas et ouvre les yeux.

Mon cœur manque un battement. C'est elle. Marion.

Je souffle. Ce n'est vraiment pas le moment ! J'entoure mes genoux de mes bras et me recroqueville. Comment lui faire comprendre de partir ? Si elle reste là, ma peine risque de se transformer en colère et c'est elle qui va morfler.

Je l'entends s'approcher encore, mais elle ne dit toujours rien. Pitié faites qu'elle ne prononce pas le moindre mot ! Si elle parle, je risque d'exploser.

Je perçois sa respiration saccadée. Peut-être qu'elle s'en veut ? Je n'ai aucune envie de lever la tête pour vérifier. Si je croise son regard noir plein de remords, je ne pourrais plus lui en vouloir longtemps.

Elle prend plusieurs inspirations, comme pour dire quelque chose, puis semble se raviser. Surtout ne dis rien, pensé-je à son intention le plus fort possible. Tais-toi, tais-toi, tais-toi !

- Écoute Camille, je...

J'en pleurerais de frustration. J'ai envie de hurler mais je me contiens.

Elle pose sa main sur mon bras et je sursaute. À ce contact, je me braque et me dégage avec le moins de délicatesse possible. Ce faisant, je relève la tête et croise enfin ses yeux. Je crois que je ne l'ai jamais fixée avec autant de colère. C'est à son tour de paraître blessée.

J'aimerai me convaincre que ça m'est égal mais en vérité ça me retourne le cœur.

- Tu peux partir, lancé-je. Et dire aux autres que ce n'était pas la peine de t'envoyer t'excuser.

- C'est pas eux qui m'ont demandé de venir. Enfin si, mais je serais venue de toute façon.

- Eh bien tu peux t'en aller maintenant.

- C'est hors de question.

- J'ai pas envie de te voir.

Aïe. Ses pupilles noires s'écarquillent, me fixent, me transpercent la cage thoracique, se frayant un passage à travers la barrière d'animosité que je me suis construite.

- Je ne bougerai pas tant que ça n'ira pas mieux, s'obstine-t-elle.

- Ah, je croyais que « tout était au mieux dans le meilleur des mondes » ? Enfin, c'est ce que je semble penser, apparemment.

La fille de la LuneWhere stories live. Discover now