CHAPITRE 1.

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Mon frère cadet tambourinait à ma porte comme un fou furieux. Je soupirai et allait lui ouvrir la lourde porte en bois de ma chambre. Encore dans son pyjamas bleu, ses cheveux blond ébouriffée, il s'engouffra dans la grande pièce sans que je ne l'y invite et s'affala sur mon énorme lit à baldaquin. Il fit glisser mes couverture en soie blanche sur lui et tapotait le matelas pour que je l'y rejoigne. Encore légèrement encrée dans le sommeil, je me dirigeai vers mon lit et m'y laissai tomber.

- Alors, sœurette ? Prête pour le couronnement ? Demandait-il plein d'entrain.

J'haussai les épaules en seule réponse. Depuis la mort de nos parents, le roi et la reine d'entre les murs, j'étais leur successeur. Il avait fallu attendre le jour de mes 24 ans, comme le voulait la tradition, pour faire évoluer mon titre de princesse à celui de reine. Seulement, ce n'était pas le destin auquel je voulais prétendre. Je ne me sentais pas apte à gouverner ce royaume remplis d'étrangetés, à commencer par moi, et par ce don qui m'habitait depuis la naissance. Un simple toucher, ne serait-ce qu'un frôlement de votre peau sur la mienne, et j'accédais à votre cerveau dans son entièreté. Chaque souvenirs, chaque pensées, chaque sensation, rien ne m'échappait. Des flots continus d'images se propageaient jusqu'à ce que contact soit rompus. C'était fatiguant, éreintant. C'était aussi un moyen de communication que je n'utilisais qu'avec mon frère, c'était d'ailleurs presque la seule que j'utilisais avec lui. J'aimais lui fais parvenir des images pour lui exprimer mes sentiments, mes peurs, ou bien même répondre à de questions aussi futiles soient elles.

- Il faut que tu te prépares, le gratin est déjà en train d'affluer dans la cours.

Il s'empara de ma main et la posa sur sa joue. Je fermais les yeux, lui faisant ressentir à quel point j'étais stressée de prendre la relève de notre oncle, Kurt, sur le trône. Il tressaillis sous le coup du flot d'images que je faisais défiler à toute vitesse dans sa tête. Une femme en train de pleurer, une enfant agitée de peur, moi me tordant les doigts de stresse la veille.

- Wow, calmes toi, ça va trop vite ! M'interpellait-il
- Excuses-moi, soufflais-je alors à bout de souffle, noyée par mes propres émotions décuplées par ce pouvoir.

Je lui fis parvenir d'autres images, beaucoup plus agréables. Des fleurs dont il pouvait humer l'odeur, le soleil haut dans le ciel bleu qui réchauffait sa peau, l'odeur du chocolat dont nous raffolions tant tous les deux. Nos échanges étaient indispensables pour moi. Il était la seule personne au courant de mon pouvoir et ne me jugeait pas pour cela. Je m'étais encrée dans un mutisme presque total depuis ma plus tendre enfance. Ce don (malédiction ?), m'avait fais voir des choses horribles alors que j'étais toute petite, me poussant de plus en plus à ne plus voir parler. Des scènes obscènes dans la tête de certains adultes, de la violence, des pensées déplacées à mon égard... profondément choquée par tout ce que ma tête recevait à longueur de journée, je m'étais peu à peu renfermée sur moi même, évitant le contact un maximum avec le personnel du château.

Carla, ma gouvernante depuis aussi loin que je me souvienne, entra dans ma chambre à dix heures, soit une heure avant la cérémonie. Elle tenait dans ses mains une imposante robe blanche, où était posée la couronne royale que je n'avais encore jamais vue. Assise devant ma coiffeuse, elle s'affairait à mes cheveux, les rassemblant en un chignon stricte à l'arrière de mon crâne, enroulée dans une tresse. Le million de petites barrettes qu'elle y avait glissé commençait déjà à me donner un mal de crâne. Elle déposa délicatement l'imposante et lourde couronne en or, surmontée de diamants scintillants à la douce lumière du soleil qui baignait la chambre, qu'elle sécurisa avec autant de barrettes que mon chignon. Je me sentais belle, et puissante dans le reflet du grand miroir posée sur la commode qui me faisait face. Et pourtant, je le savais, j'étais faible et incompétente dans le rôle de reine. Tout cela n'était que poudre aux yeux.

La Princesse déchue. (LivaïxReader)Unde poveștirile trăiesc. Descoperă acum