CHAPITRE 12.

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Je me faisais souffrance pour ne pas tourner la tête vers Livaï. J'avais besoin de croiser son regard, pour m'assurer que tout allait bien. Mais il suffisait d'une seule erreur, pour que toute la mission soit un échec. Si mon oncle repérait l'escouade, il disparaîtrait à nouveau et nous devrions tout reprendre depuis le début.

Une fanfare bruyante et bien trop désagréable à écouter pour que cela soit autorisé en pleine rue, se posta près de moi, embrouillant tous mes sens. Je n'arrivais plus à me concentrer sur ce qui m'entourait, le trompettiste soufflant sans ménagement dans mes oreilles, comme s'il le faisait exprès. Je m'enfonçais un peu plus dans ce bain de foule, tentant de m'éloigner au maximum de ce brouhaha meurtrissant mon ouïe. Cela faisait près de dix minutes que je côtoyais les habitants de Trost, et comme le plan l'indiquait, j'abaissais enfin ma capuche afin de révéler mon identité aux yeux de tous. La plupart n'y prêtait pas attention, bien trop pris par cette fête qui éclatait dans les rues de la ville, tandis que certains, le regard insistant, me toisait de la tête aux pieds, murmurant souvent des paroles viles, me bousculant parfois intentionnellement. Je n'y prêtais pas attention, gardant le menton levé, les épaules droites. Je ne m'abaisserais pas à cela, surtout pas devant mon oncle qui m'épiait sûrement de quelque part.

« Je veux que tu tournes à gauche, au prochain croisement. »

Sa voix s'était abattue sur moi, telle une balle en pleine tête. Arrêtée net dans ma lancée, pétrifiée par l'effroi qui venait de me frapper, j'essayais de comprendre ce qu'il venait de se produire. Mon oncle m'avait contactée par la pensée. Des gouttes de sueur perlaient sur mon front, ma cape me paraissait être d'une lourdeur telle que j'en avais du mal à rester debout. Je laissais mon épaule s'écraser contre le mur en tuffeau d'une auberge devant laquelle je venais de passer, laissant la craie marquer le tissus gris qui me recouvrait. Kurt possédait le don. Je n'étais pas la seule Lewis vivante à être maudite par ce pouvoir qui me pourrissait la vie depuis toujours.
Comment pouvait-il communiquer avec moi sans me toucher ? Savait-il que j'en était aussi l'héritière ?

J'inspirais profondément, m'aidant du mur pour continuer à avancer, malgré l'état de choc dans lequel je me trouvais. Chancelante, j'arrivais au coin de la rue, là où je devais prendre à gauche. Je m'engouffrais dans une ruelle sombre, et le brouhaha infernal des festivités se dissipa peu à peu. Quelques gouttes de pluies s'immiscèrent entre les deux bâtiments qui m'entouraient,  beaucoup trop rapprochés l'un de l'autre pour qu'il soit agréable d'y vivre, tandis que l'air devenait lourd, étouffant. Ma robe à lacets collait à ma peau tant cette chaleur et le stresse, à son paroxysme, me faisaient suer. Et ce stresse, que je pensais au plus haut niveau possible, redoubla lorsque je me rendis compte que je faisais face à une impasse. Je levais les yeux, cherchant les petites têtes de mon escouade préférée. Personne. Absolument personne. J'étais seule, alors que j'aurais dû être entourée d'une bande d'adolescents et de leur tortionnaire de chef.

« Caporal-chef ? Où êtes-vous ? » lui demandais-je par pensée.

Aucune réponse.

« Caporal-chef ? »
(...)
« Livaï, je vous en prie, répondez-moi ! »

- Retournes toi !

L'effroi traversa mon être tout entier. J'étais bloquée entre ce mur de briques, noirci par le temps, et mon oncle, qui venait d'apparaître derrière moi. Seule. J'étais seule. Incapable de me défendre. Mes mains tremblèrent légèrement, puis de plus en plus fort. J'allais mourir, ici et maintenant, parce que je n'étais qu'une imbécile à qui l'on avait jamais appris à se battre.

Lentement, je fis face à celui qui mettrait, dans quelques instants, un point final à ma vie. Livaï m'avait abandonnée, et sans lui je ne m'en sortirais pas.

La Princesse déchue. (LivaïxReader)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant