La Princesse déchue. (LivaïxReader)

CHAPITRE 14.

Du sang. Beaucoup de sang. J'étais couverte de sang, de la tête aux pieds, incapable de me mouvoir. La tête de Jutta, dépourvue de son corps, était posée au creux de mes paumes tremblantes. L'odeur de la pluie sur le bitume, les boucles blondes, imbibées de sang entre mes doigts, le regard livide de mon frère, posé sur moi. Tout me paraissait être réel. Pourtant, rien ne l'était. Pour la énième fois depuis sa disparition, je nageais en pleins cauchemar.

Trempée de sueur, je me réveillais en sursaut, murmurant le doux prénom de mon petit frère, mort deux semaines auparavant. Je fis passer mes jambes dans le vide qui séparait le lit du sol, balayant la chambre de Livaï du regard. La lune éclairait parfaitement la pièce, et colorait les cheveux du mini caporal, habituellement noirs, d'argenté. Il était endormi, sur le fauteuil de son bureau, qu'il avait tiré tout près du lit. Je ne m'endormais plus qu'en lui tenant la main, incapable de fermer les yeux sans y voir le visage sans vie de Jutta. Alors le seul moyen que j'avais pu trouver pour dormir quelques heures, au moins, était de sentir sa présence, près de moi. Je ne savais pas vraiment si notre lien d'âme soeur en était la cause, mais le caporal parvenait à éviter de me faire parvenir tout ce qu'il avait en tête lorsque nous nous touchions. Il devait être fortement concentré sur la tâche, certes, mais cela était apaisant de pouvoir enlacer sa main sans être assaillie par ses souvenirs, ses pensées...

Je me levais, contournant les jambes tendues de Livaï, et me postais devant la fenêtre. J'appuyais mon front contre le carreau froid, tentant tant bien que mal de faire redescendre la température de mon corps, bien trop élevée après ce cauchemar. En pensant à Jutta, les larmes ne tardèrent pas à inonder mes joues, moins creusées que deux semaines auparavant. J'avais, doucement, retrouvé l'appétit, malgré la douleur qui rongeait encore mon fort intérieur. Les adolescents ne m'avaient pas laissé une seconde de répit, tentant de me faire avaler tout et n'importe quoi, en me faisant rire, en me racontant leur entraînement, les coups que se prenait régulièrement Eren par Livaï, les bêtises que ne cessaient de débiter Sasha et Conny... sans oublier les joues rougies de Jean lorsque Mikasa prenait la parole. Bref, un petit cocktail m'ayant fait retrouver l'envie d'avancer, même si celle-ci était encore bien timide.

Livaï m'avait rendu visite surtout le soir, lorsque plus personne ne traînait dans la maison. Nous ne parlions pas beaucoup, il se contentait de s'allonger près de moi, de caler mon corps contre le sien, me permettant de dormir, un tant soit peu. J'appréciais ce geste, car je savais à quel point les contacts physiques n'étaient pas évidents pour lui. Il avait toujours détesté ça, mais il avait l'air plutôt à l'aise avec moi, et je ne pouvais qu'en profiter, tant j'avais besoin de lui, auprès de moi, durant cette dure épreuve. Puis il dû reprendre les longues heures de bureau, à remplir les nombreux rapports à l'intention d'Erwin. Alors il avait décidé que je dormirais dans sa chambre, et qu'il me tiendrait la main, tout en remplissant les dits documents.

Je finis par ouvrir la fenêtre, afin de sentir la brise sur mon visage encore noyé de petites gouttes d'eau salées. Le vent s'engouffra dans la chambre, et je fermais les yeux pour profiter de la sensation froide sur mes joues encore chaudes de ma nuit écourtée.

- Ça va pas ?

Ne voulant pas brisé l'agréable légèreté dans laquelle j'étais baignée, je lui répondis par la pensée.

« Tout va bien. »

Le cuir du fauteuil craquela légèrement, je supposais qu'il s'étirait avant de se lever. Lorsqu'il arriva à ma hauteur, il pencha son buste en avant et posa ses avant bras sur le rebord de la fenêtre.

- Tu iras mieux, un jour.
- Comment pouvez-vous en être si sûr ?

Il regardait au loin, perdu dans l'horizon. Ses cheveux bougeaient sur son front, au rythme du vent qui s'abattait tranquillement sur nous.