CHAPITRE 10.

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- Permettez moi de m'occuper de vous pour nos derniers jours ensemble.

Carla se tenait derrière moi, alors que j'étais assise devant ma coiffeuse. Je m'apprêtais à m'attacher les cheveux lorsqu'elle était entrée dans la chambre pour vérifier si tout allait bien.

- Vous n'avez pas à faire cela, Carla, profitez de vos jours de congés.
- Nous ne nous reverrons certainement plus après votre départ définitif, alors, s'il vous plaît, laissez moi faire.

Le cœur brisé par la réalité qui venait de me frapper, je la laissais d'emparer de la brosse en métal doré, ornée de pierres précieuses que ma mère m'avait offerte lorsque j'étais encore enfant.

- Pourriez-vous mettre de l'eau de rose dans mes cheveux ?

D'un signe de tête, elle acquiesçait, sans me poser de questions sur ce caprice si soudain. Il m'avait insultée ouvertement hier soir, et pourtant, voilà que je voulais pouvoir ressentir l'odeur qu'il avait laissée sur moi ce soir là, lorsqu'il avait pris soin de moi après m'être endormie sur son bureau. Pathétique. Absolument pathétique. Je tombais éperdument amoureuse de ce dictateur qui me menait la vie dure, m'accrochant à chaque petite démonstration d'affection qu'il lui arrivait d'avoir à mon encontre. Pourtant, la veille, il m'avait prouvée pour la énième fois qu'il ne ressentait et ne ressentirait jamais rien pour moi. Je n'étais que source d'énervement et de dégout pour lui, rien de plus. S'il s'occupait de moi c'était simplement par obligation, et non par choix. On lui avait donné l'ordre de m'encadrer en tant que prisonnière, et il faisait bien son travail, voilà tout.

- Carla ? Aurions-Nous un livre dans la bibliothèque pour apprendre à oublier un garçon ?

Son petit rire de fée s'échappa de ses lèvres fines, pendant qu'elle réalisa deux tresses sur les mèches qui entouraient mon visage pour les attachés à l'arrière de ma tête, par dessus mes cheveux détachés. Elle me regarda, amusée, à travers le miroir.

- Je ne pense pas, Mademoiselle. En revanche, je serais ravie de vous venir en aide.

Je soupirais longuement.

- Je n'arrive pas à le sortir de ma tête, littéralement.
- Monsieur Ackerman, n'est-ce pas ?

Mes yeux fuirent les siens tant j'étais gênée.

- Est-ce, à ce point, flagrant ?
- Vous êtes différente lorsqu'il est près de vous.

Ne pouvant pas la contredire là dessus, je choisis le silence en seule réponse. J'enfilais la robe qu'elle venait de déposer sur mon lit, tirant sur le bout des manches afin qu'elles atteignent mes poignets. Le velours pourpre enveloppait ma peau dans un cocon de douceur qui manquait cruellement aux tenues fournies par le bataillon. J'ajustais le col bénitier, en prenant soin de le remonter quelque peu pour ne dévoiler que la naissance de ma poitrine. La robe noire, absolument pas vulgaire mais qui était dotée d'un léger décolleté, que j'avais choisie pour le bal m'avait value d'être insultée de prostituée et je n'avais pas le courage de faire face à d'autres noms d'oiseaux aujourd'hui.

« Erwin veut te voir, je t'attends devant la porte de ta chambre »

Il était à peine dix heures, et il s'emparait déjà de mon cerveau. J'aurais voulu ne pas le croiser aujourd'hui après lui avoir avoué mes sentiments hier soir. Il ne manquerait pas une occasion de se moquer de moi ouvertement et je n'étais pas sûre de pouvoir encore encaisser quoique ce soit le concernant.

Je congédiais Carla, qui, je devais l'avouer, m'avait été d'une grande aide pour me préparer. Vingt-quatre fichues années que j'étais arrivée sur cette terre et j'étais encore incapable de m'apprêter seule. Le caporal avait sûrement raison sur une chose : j'étais une petite bourgeoise à qui l'on avait tout mâché depuis toujours. Je comprenais un peu mieux le comportement de Livaï avec moi, il m'apprenait à me débrouiller seule, à ne plus être dépendante de qui que ce soit. Il y allait un peu fort, certes, et c'était en grande partie parce qu'il ne pouvait pas me voir en peinture, mais je devais l'avouer, cela fonctionnait plutôt pas mal.

La Princesse déchue. (LivaïxReader)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant