Chapitre 9.1

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 Le lendemain, force est de constater que les étoiles filantes n'ont finalement aucun don.

Lavande se tient bel et bien à la table de la cuisine, repoussant avec soin les miettes échappées du sachet des brioches.

– Elle ne va pas s'ennuyer cette semaine ? demande Virginie, sur le pas du couloir.

– Mais non, maman, ne t'inquiète pas !

Si Gigi a dû élaborer plus d'un mensonge pour préserver le secret de Lavande, elle ne ment pas sur ce point. L'adolescente numérique adore passer la journée sur les moteurs de recherche pour s'abreuver de nouvelles informations.

– Va-t-en, tu vas être en retard au taf !

Gigi pousse sa mère vers la porte d'entrée.

– Mais, c'est que ma propre fille tente de me virer de ma maison, au secours !

Pourtant, elle enfile sa veste et vérifie une dernière fois son reflet dans le miroir.

– Oh, j'y pense, Gigi, tu sais ce dont je me suis rappelé ? demande-t-elle en gommant une trace de rouge à lèvre. Quand j'étais petite, mon parfum préféré était à la cerise.

– Okay... Bon, allez, file !

– Non, mais c'est marrant, comme coïncidence, non ? Lavande sent tellement bon, ça me rappelle ma jeunesse !

Whatever.

– Tu le dis si je t'ennuie ? Oulà, je vais vraiment être à la bourre, cette fois ! Bisous, les filles !

Elle lance un baiser invisible et rejoint sa voiture en faisant voler les graviers sous ses escarpins.

Dans la cuisine, Lavande termine son nettoyage méticuleux. Elle a opté pour un chignon qui tressaute alors qu'elle suit le rythme de la chanson d'Ed Sheeran.

Gigi dépose son bol vide dans l'évier. Elle aperçoit sa mère lui faire des signes et ouvre la fenêtre :

– Au fait, n'oublie pas : t'as rendez-vous à dix-huit heures chez le gynécologue !

– MAMAN ! Les voisins n'ont pas besoin de connaître ma vie, siffle-t-elle entre ses dents, vérifiant que ni Bryan ni un autre voisin n'est sorti au même moment.

Virginie claque sa portière et Gigi jure lire sur ses lèvres un « Oh, ce qu'elle est prude, celle-là ! ». Quelques manœuvres plus tard, elle s'insère enfin dans le trafic matinal.

– Bon, je vais devoir décoller aussi, ça va aller ?

Lavande récite :

– « Décoller : action d'enlever un matériau collé, ou verbe relatif au décollage d'un avion ». Mais dans ton cas, c'est une manière de dire que tu dois partir, et évidemment pas en avion, mais en vélo.

– Non, je prends le bus. Il caille ce matin. Eh bien, Lavande, on ne pourra bientôt plus te piéger avec la langue française !

– Justement, aujourd'hui je pensais potasser les dictionnaires en ligne, puis écouter l'accent anglais sur des phrases en français, pour pouvoir parler comme eux. Ce sera plus pratique avec ta mère, ou Bryan, que de rester muette. Ça commence à m'ennuyer !

– Pourquoi veux-tu parler à Bryan ? s'étonne Gigi.

– Il a voulu parler encore hier, et ce n'était pas facile.

– Avec lui, autant limiter les interactions. Moins tu parles avec les gens, moins on prend de risque. Il faut tenir jusqu'à ce que l'on trouve la solution. Je crois que Bryan a gobé que tu étais une artiste un peu perchée.

Démente NarcisseWhere stories live. Discover now