Démente Narcisse

Chapitre 9.2

 L'emballement des élèves est tout relatif. La tradition, au lycée Emma Bovary, est de confier aux élèves de terminale le soin de trouver la phrase d'accroche de la nouvelle affiche qui ornera le hall pendant l'année et le self.

– Quel engouement de folie ! se moque-t-elle.

– On n'a pas d'autres choses plus sérieuses à réviser, demande Otis, un élève bien trop studieux pour la classe.

– Quel fayot ! murmure Malvina.

– Mais c'est très sérieux, réplique la professeure. Stimuler votre imagination, votre créativité, c'est essentiel !

– Au moins, pendant ce temps-là, on étudiera pas le poème moisi ! marmonne Joanna.

Le rétroprojecteur révèle l'image choisie pour la nouvelle année et elle est radicalement différente des précédentes. Habituellement, on y voyait un groupe d'élèves, ou bien le lycée dans un cadre idyllique. Cette fois, la silhouette d'une jeune lycéenne assise à un bureau se détache à contre-jour. Dos à une longue fenêtre en vitrail, elle est auréolée d'une douce lumière. Malgré les ombres, on devine le début d'un sourire, alors qu'elle écrit. Les vitraux reprennent les couleurs chatoyantes du logo de la ville, et du lycée. Le trait du dessin se rapproche des célèbres œuvres de Mucha.

– Mais c'est pour les filles !

– Vous savez ce qu'est une allégorie ? Cette figure féminine peut incarner le lycée. Et en quoi serait-ce un problème ?

– Moi, j'adore ! dit Zina.

– Vous avez quelques idées, histoire de vous aider à démarrer ?

– « Et malgré toute bonne volonté, elle eu une mauvaise note » blague Cris.

– On nous a pas demandé d'être laconique, peste Otis en levant les yeux au ciel.

– Tu veux dire « sarcastique » !

Gigi n'est pas la seule à lever la tête. C'est Doryan qui corrige le « premier de la classe ».

– Bien joué, s'étonne également madame Lillet. Et savez-vous ce qui différencie le sarcasme de l'ironie ?

– Je dirais que... c'est une question de perception de l'interlocuteur. Le sarcasme est une forme d'ironie, mais c'est plus piquant.

– Impressionnant. Vous parlez peu, mais vous parlez bien. Et, non, ce n'était pas du sarcasme.

Quelques élèves rient.

Gigi sourit à nouveau, ce Doryan a définitivement bien des qualités.

– Bon, vous devriez vous en sortir, vous avez jusqu'à moins le quart ! précise-t-elle en regardant son Apple Watch.

Contre toute attente, les petits groupes finissent par s'animer, si bien qu'elle doit intervenir plusieurs fois pour qu'ils baissent d'un ton :

– C'est pire qu'un bataillon de coqs à l'aube !

Celui de Gigi est finalement le plus calme. Les gars sèchent, alors Doryan propose :

– On essaie de gribouiller quelques trucs et de mettre en commun après ?

– LA flemme, on n'a qu'à brainstormé tout de suite, propose Cris.

– Brain... quoi ? demande Jasper.

– Lancer toutes nos idées directement.

– J'en sais trop rien, moi. Vous pensez quoi de : « Bienvenue au lycée d'Emma ! ».