Chapitre 18.2

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Voilà plusieurs minutes que Gigi patiente dans la salle d'attente du proviseur. La pièce semble aussi désespérée qu'elle : le bureau de madame Dubuc, en pause, est désert, le store cassé oblige le néon à baigner son aura clinique alentours et la radio grésille sur une chanson mélancolique.

À l'intérieur, elle entend vaguement monsieur Helouin et sa mère discuter, parfois de manière vive. Il n'a rien voulu entendre lorsque Gigi lui parlait, pensant aussi qu'elle ne se serait jamais dénoncée si Malvina ne l'avait pas surprise sur les lieux du crime.

‒ « Les lieux du crime ». Non, mais, on ne parle pas d'une criminelle de cartel mexicain ! Ma fille a toujours été une élève gentille, sans histoires, ses résultats sont en progression cette année encore... Aucun retard, ni même d'absence pour maladie en deux ans. Si elle vous affirme qu'elle voulait se dénoncer, il faut la croire.

‒ Je vous répète que je connais mes élèves. Croyez-moi, plus d'un parent serait surpris de voir sa progéniture en milieu hostile. Gigi a déjà séché un cours cette année. Et puis, elle dit qu'elle s'excusait, mais qui me dit qu'elle n'allait pas refaire une vidéo stupide ?

‒ Vous parlez de votre lycée comme d'un terrain de guerre. Et je... Non, je sais que Gigi dit la vérité.

‒ Vous avez oublié vos propres années ici ? C'est pire, avec les réseaux sociaux, c'est un carnage !

‒ Je suis certaine que ce n'est pas Gigi qui a mis le feu.

‒ Quand bien même, elle dit qu'elle aurait encouragé des gens à le faire. C'est déjà être parmi les coupables.

Virginie serre contre elle son sac posé sur ses genoux. Elle se retient de le lui jeter au visage tant elle déteste les excités.

‒ Non mais ça prend des proportions... C'était l'année dernière. Une punition, d'accord, mais à mesurer avec tous les éléments que l'on connaît.

‒ Madame, est-ce que je m'occupe de la manière dont vous faisiez tourner vos bâtons de majorette ?

Virginie le regarde comme s'il l'avait bousculée.

‒ Pardon ?

‒ Ne m'apprenez pas mon métier, je ne m'occuperais pas du vôtre.

Virginie rit jaune.

‒ Non, mais, vous me réduisez à ma période de pompom girl, avec dédain, j'ai accompli des choses entre temps, et j'ai aussi un vrai métier.

Il la détaille du regard, Virginie sait qu'il juge son gilet à sequins.

‒ Je tentais de détendre l'atmosphère, dit-il sans vraiment le croire.

‒ C'était gratuit et méprisant.

Il rit jaune.

‒ Je suis sa mère, laissez-moi lui parler. Nous assumons, je ne m'opposerais pas à une punition, excepté un renvoi du lycée. On oublie de récompenser ceux qui font des erreurs et tentent de se racheter. Montrez-moi que vous êtes pédagogue, et pas un vieux goujat que je risquerais de taxer de machiste.

Il grimace, entre dédain et surprise.

‒ Je verrai, je verrai. Je vous libère ! lâche-t-il, agacé, avec un geste de la main.

Virginie ne demande pas son reste et quitte le bureau, se retenant de dire tout ce qu'elle pense sincèrement. Gigi se redresse lorsqu'elle ouvre la porte.

‒ Suis-moi à la voiture !

‒ Maman...

‒ Pas un mot !

Démente NarcisseWhere stories live. Discover now