A nos heures de Dysphorie [Taekook]

Fuyons à Omelas

« Tae réveille-toi. »

Face à lui, Rose, un bonnet bleu enfoncé sur sa tête, le regarde des étoiles dans les yeux. Comme si elle était devenue un mirage, elle disparaît derrière la porte qu'elle a ouverte quelques secondes plus tôt. Le calme règne, tandis qu'il comprend que le train va bientôt s'arrêter.

Par delà de la fenêtre, la neige laisse place à de jolies fleurs colorées, mais le train va trop vite pour dire de quelle couleur elles étaient. Alors Taehyung retire son bonnet et le fait tomber au sol sans qu'il ne s'en aperçoive réellement.
Il sort de son compartiment, le soleil éclatant vint lui brûler les yeux, mais il continue de marcher pour retrouver ses amis.

Le train s'arrête, il descend un peu précipitamment, puis se met à courir sur le quai vide pour rejoindre le petit groupe qui l'appelle gaiment. Ils sont tous là, souriants, dans cette gare qui est le plus beau bâtiment de la ville, celle qui change leur maux par de l'amour, pour pouvoir être heureux dans cette petite ville jolie.

Ils traversent le sol en damier, le noir et le blanc remplacés par du rose et du vert, saluent les statues qui font trempette au bord de la grande fontaine et sont accueillis par les habitants, heureux de la Fête de l'Été. 
C'est la première fois que les adolescents voient autant de sourire, autant de bonheur dans une ville colorée de joie.

Les maisons identiques sont remplacées par des demeures de toute forme, leur restaurant rétro préféré lui par un motel. Une inscription est présente mais indéchiffrable car les néons ne se montrent pas au jour.
Alors le petit groupe continue leur marche, Jimin et Hoseok se courant après, alors que les rires de Rose et Philaé résonnent dans l'air.

Taehyung a l'impression de rêver tant tout cela se montre irréel. Ses amis sourient comme ils ne l'avaient pas fait depuis une éternité entière et le ciel n'a jamais été aussi bleu.
Un vélo passe dans leur champ de vision, et l'appelle de Maddie fait échos dans leurs oreilles assaillies par les musiques qui résonnent dans les rues jolies.

« Kook ! »

A ce prénom, le corps de Taehyung s'arrête, déjà envoûté par l'idée de croiser ses yeux.
Et face d'eux, le brun descend de son vélo pour éteindre ses vieux amis.

Puis quand leurs yeux se croisent, un torrent de sentiment oublié, renaît.

Sans qu'ils ne le voient, le bras de Seok-Jin est attrapé par une inconnue et un par un ils disparaissent pour se retrouver à célébrer l'Été.
Les deux amoureux se retrouvent au milieu de tout ce petit monde qui devient flou, tellement qu'ils acceptent des boissons sans bien savoir ce qu'il y a au fond de leur gobelet violet. Mais ce n'est pas trop grave.

Car le filtre n'a jamais été aussi orange, que les tournesols n'ont jamais été aussi rayonnant, et qu'ils n'ont jamais été aussi heureux.
Taehyung est persuadé d'avoir déjà vécu cette scène. Là, entre les corps mouvants et les fleurs volantes, il est persuadé d'avoir vécu cette scène dans un endroit beaucoup moins joli, avec un filtre gris et des tournesols ternis.

C'était comme si, il revivait tout une deuxième fois.

Et pendant que Jungkook continue de danser, Taehyung le regarde, et son monde s'arrête.

Il s'arrête car, il sait qu'il repartira d'ici sans lui. Et que dans toutes ces choses belles, quelque chose cloche monstrueusement.
Taehyung ne voit plus Jungkook, non, il voit du noir. Car ils se sont rendus compte de la vérité.

Quand le châtain réouvre les yeux, le soleil a laissé place à une nuit sans lune.

Merde les médocs.

Il n'a aucun moyen de prendre ses médicaments, alors qu'il sent que bientôt tout lui échappera.
Les gens se sont arrêtés de danser, il n'y a plus rien de joyeux.

« Tae ! »

Il se retourne, c'est Yoongi qui l'appelle, la peur dans la gorge.
Où est passé Jungkook ?

« Il faut qu'on parte d'ici, le dernier train va arriver ! Dépêche-toi ! »

Il lui tire le bras, et il a tellement de force que ses pieds ne peuvent rien faire que de le suivre. Ils repassent dans les rues mortes, voient le motel qui a allumé ses néons.

No vacancy.

Mais Taehyung a envie de hurler. Il doit retrouver son amour.

« Où il est ? Je dois le retrouver !

-On n'a pas de temps !

-Tae ! »

Alors qu'ils courent sur le quai vide, Taehyung est persuadé que son amour l'a appelé. Leurs yeux se croisent, mais Jungkook sait qu'il va rester ici.

Le châtain hurle, demande à son ami de le laisser, mais Yoongi refuse, le traîne par les deux bras, alors que le train va bientôt démarrer.
Sa voix résonne comme un appel à l'amour ou un appel à le suivre.

Mais Jungkook s'est arrêté de courir.
Et Taehyung le regarde, refusant de comprendre ce qui est en train de se passer.

Jungkook restera enfermé à Omelas jusqu'à la fin des temps, permettant à ses amis de s'en échapper. Alors il ne deviendra plus qu'un souvenir qu'on voudra enfouir.
Tellement que Taehyung doit maintenant prendre ses médicaments une fois la nuit tombée.

Le train démarre, et tout deux doivent accepter la réalité.
Peut-être se retrouveront-ils une deuxième fois.

Dans le récit Ceux qui partent d'Omelas,  écrit par Ursula K. Le Guin, Omelas est une ville où l'utopie règne en maître. Pas de violence, de police ou un soupçon de noirceur, le bonheur est partout à Omelas et encore plus le jour de la Fête d'Été. Mais toute cette joie dépend d'une seule personne ; un enfant maltraité, qui se voit sacrifier pour que tout le monde soit heureux.
Je vous laisse deviner de quel personnage il s'agit dans mon écrit...