FOREVER WE ARE YOUNG

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Nos âmes évanouies dans les étés,
Les arc-en-ciel qui jonchaient notre peau,
Et l'amour toujours qui m'a hurlé
Que nous étions finalement les plus beaux.

Je ne sais plus à quand remonte notre rencontre, ni même si nous en avons un jour eu une. Je l'espère, car un moi oublié a dû se dire à quel point tu étais fascinant dans tout ce monde qui ne l'était pas. Mais si je l'ai oublié, c'est certainement que je roulais trop vite sur mon skate qui commençait déjà à rendre l'âme. J'étais peut-être trop perturbé par mes pensées qui m'hurlaient déjà de trouver un moyen pour que ma mère ne se rende pas compte qu'on volait son maquillage et ses robes.

Car je me souviens de cette fois là, où je t'ai amené chez moi, qui ironiquement ressemblait au tient tellement toutes ces maisons fades se ressemblaient. Oui, je me souviens que tu as grimacé en regardant ma moquette verte alors que tu avais la même chez toi. Tu es passé devant mes photos de famille, et tu n'as rien dit. Et j'aurai peut-être voulu que tu me dises quelque chose. Que tu me dises que j'aurais dû faire une grimace sur cette photo clichée, ou que j'aurais dû porter l'un des rouges à lèvres de ma mère. Ou que tu dises à quel point mes parents font vieux. N'importe quoi, mais que tu me parles. Que je sache enfin tes pensées.

Tu savais que je redoutais cette année, tu la redoutais aussi, car nous avions peur des souvenirs qui allaient en ressortir. Mais tu m'avais dit que c'était ok de grandir, que c'était ok d'oublier ses parents, de vivre. Sauf que j'ai commencé à t'oublier toi.

Quand tu as commencé à me mettre du vernis sur mes ongles coupés inégalement, je me suis demandé ce qui avait fait que j'étais tombé pour tes beaux yeux. Peut-être était-ce ton vélo flashy qui faisait plus vivant que tout dans cette ville si morne et morte ? Je ne saurais répondre, car quelque chose m'échappe. Quelque chose m'a toujours échappé avec toi, car j'avoue que je ne comprenais pas pourquoi des fois tu mettais du verni bleu et que le lendemain tu l'effaçais pour en mettre du violet. Peut-être que Bowie le faisait, et ça te rendait plus vivant ?

Je suis retourné au parc où on allait quand on était au collège. Tu t'en souviens, Rose s'était cassée une dent contre une poutre et Jin était tombé dans la petite marre ? Je n'ai jamais compris d'ailleurs pourquoi il y avait une marre. Un bambin mal conçu, et la seconde d'après, disparu. C'était le parc où on se mettait debout sur les balançoires qui commençaient à faire un bruit désagréable, mais on se croyait pour les plus grands du monde. On faisait le concours de celui qui sautait le plus loin. Je ne sais pas ce qu'on espérait en sautant si haut à tendre les bras, à peut-être prendre un bout du soleil ?
Si seulement j'avais réussi, je t'en aurais badigeonné sur tout le visage, mais j'en aurais surtout gardé pour ton cœur si gris.

Drôle à dire quand c'est toi qui m'as fait découvrir les couleurs hein ?
Mais je crois que tu étais trop sombre pour qu'un jour quelqu'un réussisse à te faire devenir multicolore. Même si pour moi tu l'étais. Quand des arc-en-ciel se dessinaient aux coins de tes yeux grâce aux bonbons d'Hobi, tu oubliais ta tristesse et tes ongles vernis de vert.

Je ne me rappelle plus ce que c'était le lycée sans toi, car partout où j'allais je te voyais. C'est vrai qu'on y a passé des moments de merde dans cette prison, à se demander à quoi tout cela servait réellement car quoi qu'on fasse nous ne deviendrons jamais millionnaire. Mais en repensant à ça, savais-tu déjà que tu allais mourrir ?

Je le savais aussi, que j'allais mourir jeune. Mais je ne m'étais pas attendu à ce que tu partes en premier.

Peut-être aurais-je dû te retenir quand tu as commencé à ne plus mettre de vernis, as ne plus venir en cours ou as commencé à nous ignorer. J'aurais dû te retenir, et te promettre les plus beaux tournesols que l'on avait jamais vus. Parce que je pense qu'on le méritait. On méritait de courir dans ces champs de tournesols qui auraient été de toutes les couleurs, avec la pluie ou les rayons du soleil sur notre peau. Au moins une fois.

Je pense qu'on aurait été plus vivants que quand on danse dans le restaurant rétro, ou dans le bar orange, ou même à la plage qui nous faisait tout oublier. Tout effacer pour tout recommencer.
Car il me semble que nous nous sommes rencontrés une deuxième fois ? Mais ça, je me garderai bien de le dire aux autres.

On aurait dû vivre loin, loin de cette ville ennuyeuse, loin de tous ces gens qui nous tiraient vers le bas, et vivre au bord d'une piscine, ou dans un trampoline. Oublier et ignorer le monde pour nous créer le notre. Et un jour nous aurions été heureux. Un jour tous nos problèmes se serraient évaporés, et nous aurions été les rois du monde.

Mais la vérité est là Jungkook, nous serons jeunes pour toujours, et nos tournesols ne seront jamais arc-en-ciel. Car quelque chose nous a empêché d'être ce que nous sommes. Car on nous a pourri la vie, mais au lieu de porter l'espoir nous sommes morts dans cette triste dysphorie. Mais est-ce que quelque chose aurait pu réellement nous sauver ?

Je me doute que tu aies la réponse. J'aime bien penser que l'amour l'aurait pu, mais c'est difficile à penser quand nous-mêmes nous nous aimons pas. Alors qui serait réellement capable de le faire ?

Jungkook, j'espère que là où tu es, là où je te rejoins, être jeune dure l'éternité et ne devient pas un fardeau. J'espère que là où nous serons, nous rendra libres de voir ce que l'on voudra, avec les tournesols qui n'auront jamais été aussi beaux.
Jungkook, j'espère te rencontrer véritablement pour la deuxième fois. Et enfin réussir à décrocher le soleil, pour que tu puisses brûler avec.

Et enfin, il se passera réellement quelque chose, quand nous nous croiserons.

De celui qui t'aimait,
Taehyung

A nos heures de Dysphorie [Taekook]Where stories live. Discover now