A nos heures de Dysphorie [Taekook]

Meurtre au motel

Un air de piano passe entre les arbres. Un garçon se réveille, dans un lit et dans une chambre qu'il ne connaît pas. Des traces de doigts reflètent sur les vitres avec la lumière orange, et les feuilles vertes bougent.
Tout est calme dans cet espace poussiéreux, avec la moquette qui gratte les pieds. Le châtain soupire un peu, ébouriffe encore ses cheveux, regarde les paillettes qui jonchent les draps, souillés à cause de certaines pilules.

Les jambes nues, le soleil tape dessus, le bruit à fuit. Les souvenirs aussi.

Taehyung déglutit, ne sait pas si les autres sont réveillés, mais n'a pas tellement envie de vérifier non plus.
Dans ce motel marron, il a au moins la chance d'avoir une grande fenêtre. Elle ne lui montre pas la mer, mais il en a que faire, ce n'est pas si grave.

La porte s'ouvre, la lumière du soleil éblouie toute la pièce, et Maddie est là. Ses tresses dansent derrière elle, l'astre en fond lui fait une couronne. Elle ressemble à la princesse du soleil comme ça.

« Tout le monde est déjà levé Tae.

-Ah...Désolé...

-C'est bon, je t'ai apporté une feuille et un feutre. On se rejoint dans vingt minutes. »

Près de ses jambes, elle lui dépose la feuille verte et le feutre noir. Elle lui laisse aussi un baiser sur son front, puis s'en va comme elle est arrivée, laissant la porte ouverte.

Le garçon baisse la tête, soupire encore, puis une larme coule sur sa joue. Il la chasse d'un révère de main, ne sait même pas pour quoi elle est née, et attrape le végétal et l'ancre.

Une ombre passe dans la chambre, quelqu'un est passé devant. Mais vu que Taehyung n'est personne, on ne l'a pas remarqué.

Mais l'amas de noir revient, et s'arrête à l'entrée de la pièce.

Le châtain sourit, il est rassuré de savoir qu'il est là, qu'il a tenu sa promesse.

« J'ai connu plus triste pour un enterrement. »

Maintenant, le châtain rigole, puis regarde le noiraud au pied de la moquette bleue qui fait mal aux pieds.

« Il y a plus gai aussi. »

Le noiraud s'avance, puis s'assoit à côté de l'autre. Il regarde ce qu'il a entre les mains, ce qui lui fait froncer les sourcils.

« Qu'est-ce que tu es sensé faire avec ça ?

-Je vais écrire tout ce qui m'a fait chier pendant cette putain d'année sur cette feuille, puis avec les autres on ira l'enterrer. Avec leur feuille aussi. On fait notre deuil chaque année, pour essayer de ne pas reproduire les mêmes conneries ou de se dire qu'on a la possibilité de tout recommencer à zéro.

-Pourquoi en août ?

-Pourquoi pas ?

-Je peux participer ?

-Oui. »

Jungkook tâte ses poches, à l'air de trouver ce qu'il cherche, puis sort un papier de sa poche.

« Tu as un deuxième stylo ?

-T'es con ou quoi ? »

Le brun ne comprend pas où l'autre veut en venir. Certainement qu'il l'est, mais il l'est peut-être un peu trop pour piger.

« La feuille, on va l'enterrer. Tu connais la pollution ? Soit gentil, va prendre une feuille d'un arbre.

-Ah...oui. »

Alors il fait comme Taehyung lui a demandé. Et celui-ci rigole, le trouve mignon dans sa maladresse.
L'autre revient, du rouge aux joues, avec une petite feuille verte entre ses doigts.

« Tu vas avoir assez de place ?

-Oui. »

Le châtain le regarde, le trouve curieux, puis écrit ses maux. C'est au tour de l'autre de poser ses yeux sur lui, et sourit tellement il est concentré.
Puis quand il a fini, il lui tend le feutre, Jungkook le saisit, et écrit un mot.

Un seul, celui qui fait briller la feuille, celui qui la fait presque brûler tant le soleil s'y voit, celui qui fait presque pleurer Taehyung.

Ils se regardent, ont des perles coincées dans le coin des yeux, mais ne disent rien, et ne pleurent pas.

« Tae... »

L'appelé sursaute, perturbé, regarde la personne qui est à la porte.
C'est la rousse, ses cheveux presque en feu.

« J'arrive. »

Rose lui sourit, puis s'en va, des perturbations dans la tête.
Lui cherche son pantalon dans son bazar, peste un peu, pendant que l'autre regarde le vide.

« Je ne pense pas que t'aies compris le principe de tuer notre année.

-Si j'ai compris.

-Alors pourquoi tu as écrit ça ?

-Je n'ai pas dit que j'allais l'enterrer. Je vais la laisser se faire balayer par le vent.

-Mais...pourquoi ?

-On n'est pas toujours obligé d'enterrer quelque chose pour essayer de faire son deuil. »

Les mots résonnent dans la pièce orangée. Les airs de piano se sont tus, et Taehyung n'a plus très envie de dire quoique ce soit.
Alors il prend sa feuille, puis s'en va, les pas un peu lourds.

Un petit carré de terre se trouve en face du motel, là où Namjoon creuse un petit trou. Les autres le regardent, silencieux, puis le châtain arrive, et soupire.

« Prêt à tuer notre année ? Demanda Hoseok d'une voix enjouée

-Elle est déjà morte Hobi. Souffla Jin

-Bon bah...prêt à l'enterrer ?

-Comme d'hab'. Déclara Yoongi

-Quelque chose à dire avant ? Questionna Jimin

-Il était temps qu'elle crève. »

Normalement, le petit groupe aurait ri après la déclaration de la métisse. Mais cette déclaration est si vraie que personne ne dit quoique ce soit.
Rose est la première à laisser tomber sa feuille dans la petite tombe, suivit de Maddie, puis Namjoon. Jimin est le suivant, puis Yoongi après Hoseok, et enfin Jin.
Seul Taehyung ne l'a toujours pas faite tomber.
Tous les regards se posent sur lui, puis enfin, la feuille vient s'enterrer d'elle même.

Tout est si mystérieusement silencieux. Mais ils ont l'air tous bien, dans leur deuil.

Puis quand le petit groupe a fini de reboucher la tombe, ils s'en vont un par un, le temps de se recueillir une dernière fois.

« Tae...tu viens ?

-Je vais rester encore un peu. »

Rose lui fait un sourire, lui dépose un baiser aux coins des lèvres, et s'en va, le laissant seul.

Le châtain souffle, pour changer, se gratte la tête, puis lève le regard.
Plusieurs mètres plus loin, Jungkook, qui le regarde aussi. Il a sa feuille au bout des doigts, lui sourit timidement.
Mais Taehyung baisse la tête, puis s'en va quelques secondes après.
Il laisse juste derrière lui, des traces de pas qui s'effaceront tôt ou tard.

Et quand le lieu est désert, quand personne n'est là pour tuer, et que même les oiseaux se taisent, de nouveau pas sont remarquables sur la terre. Une feuille tombe là, sur un carré de terre qui a déjà été retournée. Et juste un mot dessiné sur le vert et qui résonne dans l'air.

Vivre.