Chapitre 6

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Le jeune magicien reste interdit quand son compagnon lui explique ce qu'il attend de lui. Mais pourquoi son ami tient-il tant à l'écarter ?

— Mais tu n'y pense pas ?! J'ai une dette envers toi, Akira. Hors de question que tu ais à te battre sans moi pour sauver ta place !

— Quelle dette ? Tu ne me dois rien. Je te l'ai déjà dit. Et pour une fois, écoute-moi. Je veux que tu restes ici. C'est mieux comme ça, crois-moi.

— Tu me caches quelque chose, ne me dis pas le contraire. Quel intérêt aurais-je à attendre en ce monde ?! Je tiens à t'accompagner si tu rentres. Je...

— Pas question ! le coupe le lycan. Si cela venait à mal tourner, tu pourrais y rester. Tu le sais parfaitement ! Ne fais pas l'enfant. Mets ton orgueil et ton honneur de côté. Ta vie est trop précieuse. Alors fais ce que je te dis au moins une fois dans ton existence.

Bougon, Duncan se renfrogne. Il ne comprend vraiment pas. Quel est le but du galoup ?

En l'observant disparaître avec Tala dans le bois, sa colère ne s'est pas dissipée. Il lui en veut de l'obliger à rester en ce monde qu'il déteste. Il aimerait le rejoindre pour retrouver le clan. Et il le hait plus encore de le laisser seul avec elle.

A-t-il vu quoi que ce soit que lui-même ignore ? Il se sent si mal à l'aise à côté de cette jeune femme qu'il en perd tous ses moyens. Et il n'a pas de whisky sous la main pour l'oublier.

En aparté, Akira lui a demandé de veiller sur Kaliska. Mais pourquoi, bon sang ?! Elle ne risque rien. Elle n'a pas besoin de lui, elle peut très bien se débrouille toute seule. Et il est bien entendu hors de question qu'il utilise ses dons pour quoi que ce soit ici.

Mais quand il lui jette un regard à la dérobé, il ne peut pas s'empêcher de l'observer. Son regard lumineux l'attire inexorablement sans qu'il ne sache pourquoi. Elle exerce sur lui une bien étrange attraction. Il ne sait pas trop quoi en penser. Il se sent un peu désemparé.

Et il ne s'attendait pas à ce qu'elle soit là ce matin-là. Il a répondu à l'appel d'Akira sans savoir qu'il la retrouverait. À peine a-t-il franchi le seuil de l'appartement de Tala qu'il s'est senti piégé. Ce n'est pas vraiment le mot, mais c'est un peu l'impression qu'il a eue. Il s'est alors demandé ce que le loup mijote pour l'entraîner dans pareille galère.

Oui, il aurait bien voulu la revoir, pouvoir la dévorer du regard une fois encore. Mais pas comme ça. Il aurait aimé le faire à sa façon. Comme un voyeur, réalise-t-il alors. Ce n'est pas digne de lui. Décidément, elle le met dans tous ses états !

Même sa voix l'envoute. Lui aurait-elle jeté quelconque maléfice ? Il aurait pu le croire au vu des réactions inhabituelles qu'il a en sa présence. Ça ne lui ressemble vraiment pas. Il est quelque peu égaré.

Quand il perd de vue les deux amants, il tourne les talons et s'apprète à la laisser là. Mais elle le suit et lui rétorque avec justesse :

— Vous n'êtes décidément pas un bavard. Vous pourriez avoir l'obligeance de faire un peu la conversation au lieu de me tourner le dos sans un mot !

Il aurait presque grincé des dents et lui aurait retourné sa remarque. Mais il s'en abstient.

Il se tourne vers elle et croise son regard. Malédiction ! Pourquoi a-t-elle pareil regard ? Elle est la cause de son trouble. Que ne donnerait-il pas pour disparaître...

— Akira m'a forcé à rester ici, pas de vous adresser la parole.

Il ne va pas lui avouer que son ami l'a chargé de veiller sur elle, ce serait trop.

— Très délicat de votre part, siffle-t-elle.

Elle n'a pas tort, mais comment lui dire qu'elle le met hors de lui et si mal à l'aise à la fois ?

— Dans ce cas, que puis-je faire pour vous être agréable ? lâche-t-il, désinvolte.

— J'ai gardé une autre image de vous je crois... Je me suis sans doute trompée...

Il remarque aussitôt une certaine déception feindre dans ses propos.

Il a été, en effet, bien plus agréable la première fois. Maladroit, mais agréable. Il sent presque son visage blêmir quand elle détourne les yeux de lui. Il peut s'apercevoir qu'elle est aussi troublée qu'il doit l'être, si ce n'est plus.

Il voudrait s'excuser, mais il ne le fait pas. Une bourrasque les fait frissonner et elle serre le col de son manteau autour de son cou. Le vent s'engouffre dans ses longs cheveux clairs et le parfum qu'il lui amène le prend de court.

Maudit soit son regard, maudit soit son parfum vanillé et entêtant. Il voudrait fuir mais quelque chose le retient près d'elle. Elle l'a ensorcelé, s'est sûr ! Nulle autre explication possible à cette envie qui le prend à chaque fois qu'il pose les yeux sur elle. Mais n'est-ce pas lui le sorcier dans cette histoire ?!

Il la voit avoir un frisson et l'aurait prise dans ses bras pour la réchauffer. Mais il sait parfaitement qu'elle ne le laissera pas l'approcher ainsi. Surtout que c'est... quelque peu tendu entre eux. Il voit même déjà la gifle arriver. Et puis, il n'est pas vraiment certain de ce qu'il veut au fond.

Il s'apprête à lui proposer de la raccompagner, se sentant un peu coupable d'avoir été aussi sec avec elle. Mais elle le devance, l'ignorant presque. Les clefs de l'appartement de Tala dans la main, elle presse le pas et il a du mal à la rattraper.

Elle veut l'éviter, le voir disparaître. Elle lui en veut de se montrer soudain si froid avec elle. Elle ne lui a rien fait qu'elle sache ! Alors, elle va retrouver de ce pas l'appartement de son amie. Elle lui a confié son compagnon à quatre pattes en son absence.

Et ce n'est pas pour lui déplaire. Elle adore Réglisse. La jeune femme brune ne l'appelle pas « la tata du chat » pour rien. Alors quand le jeune félin l'accueille en venant se frotter à ses jambes, elle lui adresse un doux sourire.

Mais elle sait le jeune homme sur ses pas et quand il entre à sa suite, le chat feule aussitôt. Il n'est visiblement pas enclin à le laisser passer le pas de la porte. C'est son territoire, hors de question d'accorder le droit de séjour à cet inconnu. Il a déjà fait l'effort d'accepter le loup chez lui, il ne va pas faire de même avec cet étranger.

Tandis que Duncan ferme la porte, de plus en plus gêné, Réglisse saute sur les genoux de Kaliska. Il ne lâche pas le jeune homme des yeux, méfiant. Il sent bien ce qu'il est, comme il a senti ce qu'est Akira. Mais c'est différent. Le magicien, lui, n'a pas cette chance. Du moins, pas encore.

Et puis, le petit félin sent aisément qu'il ne lâche pas sa tante du regard. Ce qu'il lit dans les prunelles bleues du jeune homme, il l'a vu dans les yeux couleur de nuit du loup. Mais lui, il va le tester. Il ne le laissera pas approcher Kaliska sans être certain qu'il est le bon pour la jeune femme.

Il ne parle pas avec des mots comme les humains, mais il comprend et sent les choses. Son instinct sans doute. Et il a connaissance des anciennes histoires douloureuses de Kaliska. Il fera tout pour qu'elles ne se répètent pas, comme il a veillé sur Tala. Il leur doit bien ça. La jeune femme brune l'a sorti du caniveau où il a failli rester.

Elle a pris soin de lui et son amie aux yeux noisette aussi. Amoureuse des chats, cette dernière lui a toujours témoigné affection et douceur. Elle ne lui refuse jamais un câlin, ni un moment de jeu. Alors il veut veiller sur elles à son tour, comme elles ont veillé sur lui.

Et ce jeune homme n'échappera pas à son œil vigilent. Il ne le laissera pas faire de mal à Kaliska. Alors, tout en savourant les caresses que lui adresse la jeune femme, il fixe l'étranger de ses yeux bleus perçants. Il doit lui sembler qu'il le nargue ainsi. Et il ne doit pas être loin de la vérité.

Le Clan du Loup - Tome 2 : Le Croc du LoupWhere stories live. Discover now