Chapitre six : Mila

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Stéphane Mallarmé a écrit dans son poème Angoisse :

"Par un coeur que la dent d'aucun crime ne blesse,

Je fuis, pâle, défait, hanté par mon linceul,

Ayant peur de mourir lorsque je couche seul."

Je ne pensais plus ressentir ça un jour. C'était il y a trois ans, lorsque Luka Henders m'a fait fuir ce piège. Ce jour-là j'ai échappé à la mort mais aujourd'hui, elle me rattrape. Un simple nom peut évoquer tellement de choses, de souvenirs. Nate n'était pas au courant. Je pensais que c'était lui qui avait divulgué l'information. Il est le seul au courant avec Oskar mais ce dernier ne me trahirait jamais. Il est mort.

Il m'avait laissé une consigne, une seule "Si quelqu'un de ton passé te contacte, va à Heidelberg, cherche Frank et dis-lui "rüstung"". Ce simple mot qui signifie armure, veut dire tellement. Je ne sais pas ce qu'il me réserve et concernant Oskar, celà peut tout dire. Va-t-il me fournir un moyen de me battre ? de me protéger ? de fuir ? Quand j'en ai parlé à Nate, la seule personne en qui j'ai confiance sur cette foutue terre, il m'a dit d'y aller mais je suis incapable de sortir de cet appartement. J'ai trop peur de ce qui m'attend dehors.

- Tu y vas avec Henders.

Mon cœur rate un bond avant que mon sang bouillonne.

- Hors de question.

- Il veut juste coucher avec toi et c'est la meilleure personne qui puisse te protéger.

Il hurle son nom à travers l'appartement pendant que je le fusille du regard. 

Ne me fais pas ça Nate. 

Je sais qu'on a deal, tu me protèges pendant que je fais tout ce que tu veux mais pas ça. Pas Henders. Je ne sais pas ce qu'il a depuis quelque temps mais il n'a qu'une obsession, que je lui appartienne.

- Nate ! Luka ne sait rien de ma vie et j'aimerai que ça reste comme ça.

Au même moment, Luka entre dans le bureau. Ça fait deux jours qu'il est allé avec cette soirée et qu'il récolte des informations pour lui mais je n'en sais rien de plus. Du moins, je ne cherche pas à savoir et Nate ne m'en parle pas alors je suppose que je dois rester à ma place.

Il nous regarde à tour de rôle. Devant Nate, il ne prend pas les devant, ne cherche pas à m'intimider ou à me rappeler combien il veut que je lui sois exclusive.

- Luka, tu as des nouvelles ?

- Oui. Il s'agirait de Lisbet Larsen, une danoise.

- Parfait, vous partez ce soir et vous faites un détour par Heidelberg. Un trajet normal devrait mettre vingt heures

- Donc on en mettra la moitié ou les trois-quart.

Nate se tourne vers moi alors que je peine à maintenir mon cœur à battre et à mon cerveau de ne pas dévier de la conversation. Ma main tremble tandis que l'autre passe dans mes cheveux en espérant que ça me calme.

- Je vous interdis de dormir, de manger, de pisser à Heidelberg ou dans les cent kilomètres à la ronde. C'est bien compris ?

- Tu sais quoi ? Je vais rentrer en Amérique, ce sera plus simple, j'annonce.

Nate s'approche de moi mais je recule. Neuf ans. Je veux encore une année, deux, trois, la vie entière. Il tire un tiroir et tend plusieurs chargeurs à Luka.

- Essayez de ne pas les utiliser.

- Donc une fois à Copenhague, on continue de chercher qui vole tes clients ? Confirme Luka.

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