Chapitre vingt-huit : Mila

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Luka est là. Luka est en Italie, à Sienne et chez Peter. Je savais bien qu'il viendrait. J'ai reçu tous ses messages. J'ai même tenté de ne pas lui répondre, de le dissuader mais dissuader Luka Henderson, c'est comme lancer une balle et demander au chien de ne pas aller la chercher. Impossible. Alors j'ai essayé de le prévenir, de fuir mais il s'immisce. Il s'installe partout où il va comme si c'était chez lui. Je ne lui appartiens pas. Sûrement pas après ce qu'il a fait.

- Mila...

- Casse-toi Eryne.


    Si j'ai accepté de sortir avec Eryne l'autre jour, c'était pour une unique raison : le fuir. Encore. Encore et toujours. Pourquoi la vie me pourrie ainsi ? Pourquoi la vie ne met que des hommes mauvais sur mon chemin ? Henders est-il vraiment mauvais ? Oui. Oui. Oui et oui.

    Eryne ne bouge pas de l'encadrement de la porte. Je peux l'entendre respirer. Entre son poumon encore convalescent et le bébé qui grandit dans son ventre, elle n'est plus aussi libre qu'avant.

    Des pas arrivent, se rapprochent. J'aimerai leur claquer la porte au nez, continuer de m'enrouler dans cette couette et rester dans ce lit pour le restant de mes jours. Oskar est mort. Encore. Une deuxième fois. Je n'ai pas pu le sauver. Ils ne m'ont pas aidé. Ils l'ont laissé mourir. Henders l'a laissé mourir. Non. Henders l'a tué. Il a tué mon mari, l'homme qui m'a fait fuire Diego, l'homme qui m'a accepté sous son toit, qui m'a offert un avenir.

    J'entends Nate qui embrasse Eryne. Je me roule dans la couette. Je ne veux plus les entendre, voir leur idylle parfaite. Moi aussi j'avais tout ça. Moi aussi j'avais un mari. Moi aussi j'avais un avenir. Moi aussi j'avais un logement, un foyer avec un mari qui m'aimait. J'aurai même pu être enceinte mais j'ai choisi l'avortement. Je refuse d'imposer cette vie à mon enfant. Lui n'a rien demandé. Je préfère qu'il parte, qu'il n'est pas le temps de voir le monde plutôt qu'il regrette d'être venu au monde. J'en souffre. J'en souffre chaque jour de ces décisions mais j'ai décidé de penser à lui et pas à moi. Bien sûr que égoïstement je serais allée jusqu'au bout. Je l'aurai élevé, aimé, chéri, éduqué mais ma vie n'est pas une vie pour un enfant.

    D'autres pas arrivent, se rapprochent. Plus dur, plus brutal, plus déterminé.

- Laissez-nous, ordonne-t-il.


    Je me redresse, attrape mon arme sous mon oreiller et la pointe dans sa direction. La porte claque. Il sourit. Ce connard sourit. Il lève les mains. Chacune maintenant une arme mais la seconde suivante, les chargeurs tombent au sol.

- Je ne suis pas venue t'abattre.

- Casse-toi.

- Non.


    Il jette les armes sur le lit. Je continue de brandir la mienne pendant qu'il avance. Je lève la sécurité. Je ne lui fais pas confiance. Je ne peux plus. J'en ai envie mais je ne peux plus. Ses yeux me détaillent, ils me scrutent de haut en bas.

- Tu veux que je t'accompagne sous la douche ou tu es capable de le faire toute seule ?

- Va te faire foutre.

- Volontier si c'est avec toi.


    Qu'est-ce qu'il lui prend ? Il n'était pas comme ça. Alors voilà, maintenant il me montre son vrai visage. Le même que Peter. Le même que l'homme arrogant, possessif et manipulateur qui gère cette putain d'organisation dans laquelle j'ai mis les pieds il y a six ans.

- Qu'est-ce que tu veux ? je demande sur un ton froid.

- Toi.

- Tu ne m'auras pas.

[L.3] LOVE & POETRYWhere stories live. Discover now