Chapitre vingt-et-un : Luka

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Quand je suis arrivé, il était déjà parti et Mila déjà dans mon lit, blotti dans un de mes sweat, la capuche sur la tête et en boule, comme si elle voulait se réfugier dedans, comme lorsque nous étions sous la douche.

    Quand je suis arrivé, le plaid de son canapé était dans la machine à laver ainsi que toutes les housses de coussins et les fenêtres étaient grandes ouvertes. Il pleuvait dans son appartement. J'ai fermé les fenêtres, éteins la cheminée et je suis rentré chez moi.

    Je ne sais pas si elle dormait mais elle était là, dans mon lit. Je ne sais pas ce qu'ils se sont dit. Elle n'en a pas parlé. Elle vit comme un zombie sur pilote automatique. Elle ne parle que quand c'est nécessaire. Elle se cache derrière son sourire mais je le sens bien, que ça ne va pas. Je ne pose pas de question, je ne dis rien. J'attends qu'elle parle. Un jour. Peut-être.

    Elle s'est excusée. Je ne sais pas de quoi mais elle m'a demandé pardon. Elle a seulement dit "je suis désolée". Je n'ai pas répondu. Je me suis allongé dans mon lit, loin d'elle et de son cœur brisé.

- Pourquoi tu es venu ?


    Sa question brise le ronronnement du moteur d'avion. Ca fait plusieurs heures que nous sommes partis. Je n'en reviens pas qu'une femme traverse l'océan pour avorter. Ce ne devrait pas être normal. Et encore, Mila a de l'argent, elle a les moyens de se payer un billet d'avion, le logement et tout ce qui s'ensuit mais ça me fait chier pour toutes ces femmes des autres pays qui sont réticentes ou qui ne peuvent simplement pas le faire. Je pense à ma sœur. Je devrais lui faire faire des faux papiers. Elle se débrouille plutôt bien en espagnol et le système de santé n'est pas parfait mais mieux qu'aux Etats-Unis.

    Elle pose sa tête contre le hublot et ferme les yeux. Je ne sais pas si elle attend vraiment de réponse. Ca me semblait normal de l'accompagner. Je ne vais pas la laisser toute seule. En fait, c'est très simple, ce n'est pas parce que j'ai ma part de responsabilité parce que oui, clairement, j'aurai pu me protéger, nous protéger mais parce que je veux qu'elle se sente soutenue, aimée, accompagnée. Alors comme je ne sais pas quoi répondre, je ne réponds pas. Ça veut tout dire et rien dire mais je suis là. Je ne la lâcherai pas.

    Elle sourit. Je ne sais pas si c'est à cause de ce qu'elle pense mais elle est atrocement belle quand elle sourit sincèrement. Dans notre monde, c'est rare de voir les gens sourire et pourtant, elle est là et elle sourit. Je ne sais pas pourquoi elle le fait mais ça me donne envie de la prendre sous mon sweat, contre moi et de la protéger.

- Henders ?

- Oui.

- Ça me fait chier de l'avouer mais je t'aime bien.


    Je souris comme un sacré con. Je crois que ça me rend heureux. Moi aussi je l'aime bien. Je l'adore presque.

- Tu es heureux ?


    Je ne comprends pas vraiment sa question. Elle est beaucoup trop évasive, je ne sais pas ce qu'elle attend comme réponse. Un oui ? Un non ? Je crois que globalement, je suis entre les deux.

- Quand tu étais enfant, tu t'imaginais vivre ta vie comme ça ?

- Non.

- Comment ?

- Disons qu'avec l'héritage que j'avais, j'avais plus de chance de finir drogué dans une maison dégueulasse que ce que je suis aujourd'hui.

- Tu es heureux d'être devenu cette personne ?

- Je ne sais pas et toi ?


    Elle hausse les épaules, les yeux toujours fermés, la tête contre le hublot.

[L.3] LOVE & POETRYWhere stories live. Discover now