Late Text [K.SJ]

19. Irl

Hana pose son téléphone. Recevoir des conseils ici et là de ces deux hommes lui fait du bien. Elle n'a jamais été trop proche des gens, n'arrivant pas tout à fait à cerner leurs caractères et leurs intentions. Mais elle le sentait, son correspondant et son abonné étaient des personnes bienveillantes. En tous cas, aucun d'eux ne s'était montré mauvais à aucun moment et leurs réponses étaient extrêmement spontanée, ce qui pour elle est une preuve d'honnêteté puisqu'ils ne répondaient pas en réfléchissant à chacun de leurs mots.

Elle reprend le portable en main quand le bruit d'une notification se fait entendre. Son correspondant lui signale qu'il va commencer le travail et qu'il ne pourra pas répondre avant un bon bout de temps, elle lui souhaite brièvement une bonne journée et il lui répond par un smiley qui envoie un bisou. Ça la fait rire alors elle renvoie le même emoji. Elle voit qu'il a vu le message mais n'y répond pas. Hana soupire. Elle aurait aimé parler un peu plus avec son correspondant, bien qu'elle ne regrette pas sa conversation avec son abonné. C'est juste que maintenant qu'elle sait ne pouvoir parler à aucun des deux, sa solitude revient.

Elle regarde les murs de sa chambre avant de se décider à faire un tour dans sa maison. Tout est propre et bien rangé, mais l'endroit est bien trop grand pour elle. Cet endroit, Hana l'avait acheté un an après avoir commencé à être sponsorisée. Les revenus montant en même temps que le nombre de ses abonnés, elle avait visé l'achat d'un grand appartement avec vu sur un parc, mais surtout sur la rivière Han. Elle se disait que c'était un endroit parfait pour y vivre avec l'homme qu'elle rencontrerait, avec les enfants qu'elle aurait. Mais les années ont passées et avec sa renommée montante, sa confiance envers les autres descendait.

Elle était approchée par des gens qui en avait après sa popularité, son argent. Souvent, Hana envisageait d'arrêté les réseaux sociaux. Elle le pourrait. Elle a assez d'argent pour pouvoir vivre toute sa vie confortablement. Elle pourrait revendre cet appartement à un bien meilleur prix qu'elle ne l'avait acheté, vivre dans une petite maison en pleine campagne et cultiver un petit jardin, cuisiner de bons petits plats pour sa famille.

Elle a deux problèmes avec ce nouveau rêve. Le premier est le même qu'elle a eu en achetant ce logement ci. Il manque encore une personne pour le partager avec elle. Hana aimerait rencontrer cette personne. De tout son cœur. Mais même si elle la rencontrait, comment lui faire confiance?
Le deuxième problème est qu'elle aime vraiment la majeur partie de ses abonnés. Ceux qui commentent ces posts avec tant de joie de vivre, où qui lui envoient des messages de soutien. Ceux qu'elle rencontre dans la rue et qui lui glisse des paroles d'encouragement, qui lui demande un autographe comme si elle était une star, qui lui disent à quel point elle est belle.

Hana laisse échapper un souffle qui pourrait être comme un soupir amusé mais qui est en réalité sarcastique. Elle marque l'arrêt devant le grand miroir de son entrée. Elle ne se trouve pas belle. Son nez est un peu trop long, son corps est bien trop fin, mais c'est ainsi que les internautes la préfère, et ses yeux n'ont aucun éclat. Hana n'est pas dupe. Elle sait qu'elle n'est qu'une coquille vide qui se contente d'être ce que les autres attendent d'elle. Comme elle n'a plus personne autour d'elle, ce n'est pas plus mal. Moins de personnes à satisfaire. Seulement son agence, son manager et ses abonnés.

Elle laisse son regard glisser sur son reflet. Elle descend le long de son visage, son cou, ses épaules, ses bras, ses poignets. Ça fait des mois qu'elle n'y avait pas touché. Depuis que du haut de ce pont en pleine nuit, quelqu'un avait répondu à son message. Maintenant quand elle sent la détresse monter en elle, elle envoie un message à son correspondant.

Hana, qui ne comprend pas ses propres émotions, qui ne se connaît pas elle-même, ne réalise pas qu'elle est bien trop dépendante de cette personne qu'elle ne connaît pourtant pas.