Chapitre 8 - Corrigé

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Nous fendîmes la piste frénétiquement. Son souffle frôlait le creux de mon oreille tandis que nos regards se fuyaient. Le Vicomte menait lentement la Volte, alternant pas chassés et rotation. Un moment il se trouvait éloigné, puis l'autre je me trouvais logée à la chaleur de son corps qui ondulait. Ma robe s'enroulait autour de ses jambes élancées, créant une intimité soudaine entre nos membres. Son coeur, que je percevais battre, s'accélérait au rythme de notre ballet. C'était un danseur accompli qui captivait toute la lumière. Il rattrapait par son expertise tous mes pas manqués ; Je foulais rarement le sol glissant dans les airs à son rythme.

- Pourquoi m'entrainer dans une danse qui ne se pratique plus ? Ma voix se trouva plus dure que je ne l'aurais souhaité.


- Pourquoi avoir accepté si cela vous déplait ?


J'haussai les sourcils et marmonnai un peu trop fort.

- Avais-je seulement le choix ? Vous êtes notre hôte...

- Je ne voulais point vous imposer ma présence qui semble vous incommoder. Pardonnez ma mégarde.

Il sépara brusquement son corps du mien qui partit en avant dans son impulsion. L'air froid s'empara de l'emplacement de ses mains tantôt sur mes flancs. Il ne quitta plus mon regard et je m'efforçai de soutenir le sien, plus sombre que jamais. Le Vicomte semblait jeune et pourtant une force de caractère grondait en lui. Alors que la musique touchait à sa fin, il me salua poliment et disparut. Les applaudissements retentirent avec retard. Je me détournai aussi vite que possible, dégoulinante de sueur, loin de ceux qui pensaient être mes semblables.

Le majordome apporta ma cape et je pus respirer de nouveau à la brise hivernale. Je laissais derrière moi les premiers commérages face à ce final incompréhensible. La cacophonie du bal s'éloignait tandis que les ombres de géants feuillus entraient dans mon champs de vision. Je m'assis sur un petit banc humide en face d'une fontaine à tête de dauphin où l'eau y clapotait. Le château s'imposait toujours au paysage avec sa façade éclairée par la pleine lune.

Quelques aventureux bravaient le froid et brisaient le silence de leur conspiration politique. L'hiver 1788 allait être rude, très rude même. Les français n'étaient pas au bout de leurs surprises. Ils me dépassèrent sans même me voir et s'engouffrèrent dans la forêt du domaine. Je pris un petit cailloux et le lançai dans le bassin lisse afin d'y casser le reflet de la bâtisse. Le reflet d'un homme ondula sous les petits vagues circulaires. Toute trace de contrariété avait déserté son visage. Il se tint à bonne distance avant de venir s'asseoir à mes côtés, le regard scrutant notre reflet dans l'eau.

- Je tenais à vous présenter mes excuses, Madame. J'ai eu un comportement de rustre, cela ne se produira plus.

- J'accepte vos excuses, monsieur le Vicomte de Nicolay.

La tête penchée sur le côté, j'admirais toujours le château et ses paysages.

- Vous avez là un très beau parc, complimentai-je brisant le calme nocturne.

- A mes yeux, il est hideux...

Cet aveux avait été soufflé pour lui même comme le secret dont on ne supporte plus le poids. Il déglutit dans une grimace de souffrance puis fixa son attention sur mon profil.

- Enfin... commença-t-il cherchant que dire pour détendre l'atmosphère. Je vais vous révéler un secret familial... le roi défunt Louis XIII lui même serait venu pratiquer la barque sur ce bassin !

- Est-il tombé à l'eau ? Demandai-je d'un air conspiratrice en abaissant la voix. - Non... et je n'ai point le droit de dire « malheureusement », malheureusement.

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