Chapitre 22 - corrigé

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Thomas n'était pas présent lorsque nous rentrâmes dans leur demeure parisienne. La chaleur de sa main me quitta lorsque nous passâmes la porte. Je l'observais donner ses instructions aux femmes de chambre et aux domestiques. Il captivait tout le personnel tant par ses traits juvéniles que par sa fermeté.

- Une chambre va vous être préparée pour que vous puissiez vous reposer et faire une toilette. Jeanne sera à votre disposition.

Une grande fille longiligne se baissa dans une révérence maladroite et je fus tenter de lui attraper les deux mains pour la redresser de ce pas. Elle me conduisit au deuxième étage parmi un enchevêtrement de couloirs. Une pièce à coucher délicieusement meublée m'attendait, et surtout cette épaisse couverture en fourrure recouvrant le lit en baldaquin. Un petit paravent donnait sur la salle d'eau, pratiquement plus grande que la chambre. Elle accueillait peu de mobilier entre une cheminée, deux baignoires et une console. Les tuyaux de l'arrivée d'eau des bains étaient camouflées, cela était très rare et très coûteux, et pour mon plus grand bonheur ils fonctionnaient. Les deux baignoires pleines reposaient sur un sol de marbre, l'une pour se laver sentant les effluves de violette - mon parfum préféré - et l'autre pour se rincer. Perdant patience en voyant la fumée s'évaporer de l'eau bouillante, je remerciai la jeune fille et la congédiai poliment. Ma robe lavande aux détails argentés digne d'une nuit étoilée s'étala à mes pieds. Je l'enjambai pour me plonger entièrement nue dans le bassin en même temps qu'un soupir de bien être. Le clapotis de l'eau berça mon corps durant de longues minutes.

Un coup d'œil au travers de la fenêtre m'indiqua qu'il faisait déjà nuit noire dehors. Je m'approchai de la console sur laquelle reposait une étrange pâte. L'odeur omniprésente de cannelle, d'anis et de clou de girofle trahissait la nature du dentifrice d'époque, inventé par le médecin de Louis XV. La curiosité m'obligea à tester cette immonde chose qui donnait envie de la régurgiter à peine poser sur les dents.

Lorsque je descendis, Daniel était dans une discussion animée avec son frère à laquelle je me joignis. La salle à manger était reconnaissable à sa table joliment décorée de chandeliers aux flammes vacillantes, où trônaient des chaises tout autour. Dans la cour, les sabots retentirent laissant sortir des bourgeois dans une mascarade de compliments. Le comte salua chacun de ses invités, quatre femmes et six hommes au total nous avaient rejoints. Tous étaient richement vêtus et aimaient présenter tous pleins de petits objets portatifs dans un rituel bourgeois implicite. Cela allait de la lorgnette à la boîte de dragées, pour montrer son élégance, sa richesse ou son goût pour la mode.

Les conversations se rapprochaient de l'endroit dans lequel je m'étais réfugiée pour les épier en secret. Un torrent de voix horripilante fit irruption à la suite des jumeaux. La grimace du Vicomte était une réelle jouissance parmi ce défilé d'apparat.

- Mesdames et messieurs, je suis ravie de vous accueillir et de vous convier pour déguster ces mets. Veuillez prendre place, s'égailla la voix du Comte de Nicolay après avoir fait les présentations.

Un jeune homme en livrée noire proposa un plateau de flûtes pétillantes ; un délicieux champagne moelleux coula le long de ma gorge et se vida rapidement - trop rapidement -. La salle donnait lieu à de multiples conversations où les hommes parlaient domaine tandis que les femmes parlaient beauté. Certaines fois, elles s'adressaient à ma personne concernant un désaccord de couleurs ou d'accessoires. Daniel semblait autant se réjouir des convivialités que j'étais heureuse. Il cherchait du réconfort dans mes yeux qui pétillaient d'amusement face à tout raffut.

- Déjà que ces saleras de juifs ne payent plus l'impôt du pied fourchu, c'est aux huguenots que notre bon roi donne sa clémence à présent ! pesta l'un des hommes à la carrure d'un général de guerre.

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