Chapitre 17 - Corrigé

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Regarder les petits tubes se remplir de cet épais liquide rouge m'avait toujours fascinée. Me dire que cette substance alimente notre coeur, que nous vivons grâce à ce mécanisme complexe que la nature avait créé, était impressionnant et terrifiant. Il suffisait d'une seconde pour que tout s'arrête. Alors pourquoi perdons-nous notre temps à réfléchir aux conséquences d'un futur incertain ?

- C'est fini, tu peux partir. Je donnerai tes résultats à Céline.

Je quittais la pièce prête à affronter Edgar Madson pour la leçon qu'il me réservait. Je ne connaissais ni le sujet ni le temps que cela prendrait, mais ce que je savais c'était qu'être entre les murs du laboratoire avait un arrière-goût de nostalgie. Je passais devant la salle de couture et y glissais ma tête dans l'entre-bâillement pour n'y trouver qu'une pièce vide depuis trop longtemps. Je repensais au jour où la couturière m'apprêtait pour mon premier et unique bal, lorsque Natalia emplie d'un bonheur contagieux ne cessait de se réjouir de la soirée passée. Ce soir là, j'étais belle. Non. J'étais resplendissante. Et ce soir là, j'avais partagé une danse avec Daniel ne sachant rien de la relation innommable qui allait en découler.

- Prête pour ta leçon du jour sur les ministres de l'Ancien Régime ? Interrompit, le fil de mes pensées, l'historien.

Un grognement répondit à ma place. J'avais deux semaines pour me préparer à repartir dans ce siècle qui m'avait brutalisée et j'étais motivée à l'affronter. Mon ventre me flageolait de l'intérieur, il était si noué que chaque inspiration m'était douloureuse. Mais je résistais car j'étais une battante.

***

La couturière ne cessait de rouspéter devant mes membres raides comme des bâtons qu'elle ne pouvait manipuler à son aise. Son manque d'empathie accentua mon malaise. J'étais en vrac. J'avais mal au coeur dans les deux sens du terme, le figuré et le propre.

- Stop ! J'étouffe ! Je ne peux pas... couinai-je de crier. Enlevez-moi tout ça ! Enlevez-moi ça, ENLEVEZ-MOI ÇA !

La crise de panique me fit arracher les perles de mes poignées qui roulèrent au sol. Prise de court, la femme tirée par quatre épingles cessa tout geste. Elle m'observa un moment, la mine furibonde avant de se radoucir face à ma détresse. L'ébauche de son sourire ressemblait plus à une contorsion, et de ses ongles manucurés elle caressa mes boucles rousses d'une main tout en bloquant les miennes dans l'autre. La respiration saccadée, j'arcboutai mon dos pour chercher l'air plus facilement réprimant avec force les tressaillements de mon menton.

- Qu'est ce qui t'arrive ? Sa voix n'était pas réprobatrice pour la première fois, ce qui me fit lever les yeux vers elle. Tu ferais fuir n'importe quel imprudent avec ta chevelure de braise.

- De feu... ma chevelure de feu, pensai-je à voix haute.

- Je n'aime pas t'habiller et te voir porter mes belles créations, sachant que jamais je n'aurais cette chance. Alors ressaisis-toi et envole toi vers cette faveur que la vie t'offre.

Elle avait une façon bien à elle de réconforter les gens, cependant cela avait le luxe de fonctionner. Beaucoup pense qu'il faut être gentil et compréhensif pour qu'une personne aille mieux, ce qui est totalement faux. Il faut voir la vérité en face et souffrir une bonne fois pour toute pour aller de l'avant. La compassion n'avance à rien contrairement à un électrochoc.

- Dans ce siècle personne ne peut m'aider ni me sauver, c'est donc une chance mais aussi une malédiction, me redressai-je la voix ferme. En possédant un don, on a comme... l'obligation de s'en servir.

- Car tu crois qu'ici quelqu'un te sauvera ? Ricana-t-elle sarcastiquement. Tu nais seule, tu vis seule et tu mourras seule. Les gens ne sont avec toi que pour ce que tu leur apportes, mais la vérité est que tout le monde est seul.

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