Chapitre 26 - corrigé

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Lorsque m'a vue s'adapta à l'obscurité, les torches à la flamme vacillante laissaient voir des passages encore plus sombres de part et d'autre des murs. Le sifflement du vent s'engouffrait pour nous envelopper d'une brise qui dressait les poils de mes bras. Un garde était assis derrière un bureau, son casque en fer posé sur celui-ci. Il saisit son registre des écrous pour y noter la neuvième prisonnière du fort.

-Nom.

-Monsieur, c'est un malentendu. Contactez le Comte ou Vicomte de Nicolay que nous éclaircissions cette situation.

Il haussa ses sourcils et me fixa. Sans un mot de plus, il redemanda de sa voix désintéressée.

-Nom.

-Elisabeth De Pavonce... mais je vous en prie de contacter le Vicomte de Nicolay !

-Le temps de votre passage en justice pour délit pénal, vous resterez au fort et bastide Saint- Antoine les Paris. Votre pension s'élève à 1 sou sauf si vous avez de meilleurs moyens.

-Je n'ai rien fait, croyez-moi je vous en prie...

L'homme referma son registre et fit un signe de tête à ses deux subordonnés. Je me débattis et m'époumonai pour qu'on contacte Daniel, mais personne ne m'écoutait. Deux poignes me tirèrent dans le plus petit tunnel à gauche et mes cris furent couvert par le martèlement des bottes sur le sol. L'odeur étouffante de l'humidité m'obligea aussitôt à fermer la bouche pour ne pas rendre mes tripes. La panique me gagnait enfin quand je fus poussée dans une pièce bien trop petite.

- Votre geôle.

La porte se referma avant que je ne puisse me jeter dessus. Je tapai des poings, hurlai ma détresse et m'écroulai d'épuisement sur le sol miteux. La tête posée sur ma main, j'inspectai à l'horizontale cette cellule de paille et son seau constituant mon unique confort à défaut d'avoir pu payer. Épuisée, frigorifiée, je ne donnais pas cher de ma peau dans ces conditions.

Un feu projeta mon ombre au mur et la lumière s'infiltra dans ma cellule. Un bout de pain rassi fut jeté aux côtés de mon corps recroquevillé. Je me précipitai d'un bond vers la porte mais celle-ci se refermait déjà. Et pour la deuxième fois, je me défoulai comme une folle contre elle, sans plus de succès.

-Contactez le Vicomte de Nicolay ! Le Comte de Courances ! Contactez-le ! Je vous en prie...

Je répétais cette phrase inlassablement comme une prière. Je la répétais jusqu'à ce que ma gorge soit si sèche qu'il m'était impossible de prononcer un son. Jusqu'à ce qu'elle me brûle et que déglutir devint un supplice. Un cri d'épouvante résonna dans la geôle lorsque cette douleur fut remplacée par celle des rats qui tentaient de se nourrir de la peau de mes mollets nus. Je fermai les yeux et me laissai emporter par ce cauchemar qui ne semblait pas connaître de fin.

***

Aucun repère chronologique. Aucun indice sur l'heure qu'il était ; ou le jour qu'il était. Mon corps s'oubliait dans mon sommeil, seul moment de bien être où je m'imaginais dans à ses côtés. Mon ventre criait famine alors que mes dents étaient incapables de croquer dans la deuxième ration de pain qui avait été apportée, plus dure que la première journée. Je me voyais déjà pourrir dans cette prison, mon moral abattu plus que jamais.

Ce que je supposais être le troisième jour, un soldat entra dans ma cellule pour y apporter de l'eau. Il posa en douceur le seau à côté de la paille, en prenant soin de ne pas en renverser. Je relevai difficilement mon buste et tentai de parler en faisant abstraction de la souffrance dans ma gorge. Le premier son qui en sortit était un couinement qui le fit sursauter.

-S'il vous plait, contactez le Vicomte de Nicolay et je vous jure que vous serez récompensé !

Mon espoir s'envola en même temps que retentit le claquement de la porte en bois massif. Alors je laissai libre court au torrent de larmes silencieuses qui nettoya mon visage de sa propre crasse. Le silence était pesant, la solitude l'était plus encore. Aucun bruit ne se faisait entendre dans les couloirs. J'avais peur, très peur de cet endroit presque fantomatique. Le temps m'était compté avant de sombrer dans la folie.

***

Le quatrième jour, un plan germait dans mon esprit. Il était dangereux mais avais-je un autre choix ? Je repris le poème qui attendrissait tous mes maux, dans l'attente de la prochaine ration, essayant de calmer mon cœur qui souhaitait s'extirper de ma poitrine :

« Demain, dès l'aube, à l'heure blanchit la campagne, Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m'attends.

J'irai par la forêt, j'irai par la montagne.

Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps. »

Des pas s'approchèrent de ma cellule et les gonds de la porte se mirent à grincer. Quitte à perdre une partie de mon âme, je n'avais plus le choix. Les chancèlements de mon corps trahissaient la peur qui encerclait mon estomac, et pourtant au prix d'un effort je réussis à respirer normalement. Qu'en apparence du moins. Un corps lâche se dessina dans le noir et lança la bolée du jour. Il ne me vit qu'au dernier moment, accoudée à sa droite, le scrutant d'un air aguicheur ; une main tremblante jouant avec une mèche de cheveux.

-Excusez-moi, j'ai vraiment besoin d'écrire une lettre à un ami vous savez, soufflai-je sur le ton de la confidence.

Je lui pris tout doucement la main, l'invitant à ne pas partir tout de suite. Pour ne pas flancher, j'enchaînai une tirade le plus rapidement possible.

-Excusez-moi sir, je n'ai pas eu de contact humain depuis si longtemps... Vous savez... si vous m'aidez à écrire une lettre je saurai me montrer... reconnaissante.

Je minaudai devant ce garde, refoulant le goût de la bile dans ma gorge. Mon corps me dégoûtait, me détestait de se servir de lui ainsi.

-Juste un papier, une plume et un coursier... Et je vous serai infiniment redevable.

Dansant d'un pied sur l'autre, le soldat jetait des coups d'œil derrière lui à tout bout de champ. Le voyant hésiter, je me fis plus pressante en remontant mes doigts le long de son armure.

-C'est pressé vous savez, mais je sais me montrer patiente... et docile.

-Je reviens ! Murmura-t-il en posant des yeux insistants tout le long de mon corps.

Je réprimai un frisson lorsqu'il passa sa langue sur ses dents d'un air carnassier. A peine fus-je de nouveau seul, que mon dos se courba pour vomir tout le dégoût que je m'inspirais. Mon sursis fut de courte durée. Le soldat était déjà revenu dans la cellule et ferma la porte à clef, derrière lui.

Il me tendit un papier ainsi qu'une plume et approchait une bougie pour éclairer ma lettre. Son souffle pesait d'impatience sur ma nuque. Le corps que je voyais tantôt lâche devenait effrayant à présent. Je griffonnai mon message dans l'urgence et priai du plus profond de mon cœur pour que Daniel ne soit pas rentré à Courances. Mon corps arrivait à bout de résistance, non habitué à ces conditions misérables, et les jours étaient comptés. Je pliai la lettre et la tendis au garde en ajoutant précipitamment.

-Il me faudra la preuve que ma requête ait été respectée, après cela je vous serai reconnaissante comme je vous l'avais dit.

Son rire sec ne présagea rien de bon quand il s'empara du papier pour mieux se coller à moi et me humer les cheveux.

-Non ma belle, le paiement se fait en avance ici !


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