Chapitre 1 - corrigé

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PARTIE 1 : Le Tableau et la Passeuse

« De nombreuses œuvres d'art ont été détruites, leur valeur n'avait plus aucun lien avec l'artiste. Chaque peinture trouvée dans un monument ecclésiastique était confisquée puis mise aux enchères dans le meilleur des cas. Attention, nous ne parlons pas de 1789 mais de 1793. »

La joue calée dans ma main droite, j'écoutais d'une oreille distraite l'intervenant Edgar Madson. Mes yeux ne cessaient de papillonner de fatigue après ma courte nuit de la veille. L'amphithéâtre était étonnement agité ce matin-là ; était-ce le fait que le week-end n'était plus qu'à quelques heures ou la présence de notre invité venu tout droit du CNRS? Je ne saurais le dire.

Chaque étudiant hochait la tête, exprimait des émotions amplifiées afin de captiver le regard de l'historien face à eux. Tout était bon pour se distinguer. Comment leur en vouloir ? La fin du master approchait et trouver un stage devenait crucial. Ce stage même qui déciderait de notre vie future ; trépignante ou morose.

- Les tombes royales de la Basilique Saint-Denis sont profanées. Les révolutionnaires cherchent l'or certes mais autre chose, d'une grande valeur... Oui Monsieur ? Interrogea l'homme.

- Les organes vitaux, conservés, des rois et des reines. Cela dans le but de les vendre des milliers aux peintres pour qu'ils puissent concocter le fameux brun momie. Une nuance unique, profonde et brillante, affirma de sa voix nasillarde le major de promo.

- Excellent Monsieur ! Cette teinte était concoctée à base de coeurs de lapin en temps normal. Alors le coeur d'un roi, c'était... royal !

Au sourire dont le gratifia l'historien, les treize étudiants présents dans la pièce ne cessèrent de regarder jalousement notre majorant. C'est lorsque ma mâchoire se décrocha en un lourd bâillement, que je me rendis compte du silence planant. Tous les visages dévièrent dans ma direction d'un œil faussement consterné. J'haussai les épaules et me concentrai sur notre invité. La surprise se lisait sur son visage qui ne cessait de me fixer. Les secondes passaient s'éternisant en minutes. Mal à l'aise, je me raclai ma gorge, ce qui le ramena à la réalité.

- Euh... Et bien... Pour finir cette intervention, je vais vous projeter certaines peintures retrouvées de l'autre côté de l'Océan, au Québec ! Énonça avec ton Edgar Madson. Vous les retrouverez à l'exposition du musée des Beaux-Arts de Rennes dès cette semaine. Seulement à quelques heures de route de Paris, j'espère vous y trouver !

Les lumières de la salle circulaire se tamisèrent au moment où le vidéo-projecteur se mit en route. Ses contours étaient à présent délimités en blanc, je ne pouvais plus distinguer ni ses cheveux poivre-sel peignés en arrière ni ses petits yeux creusés de la couleur « brun momie ». Seul son costume épousant ses bras maigrichons était encore visible. Lorsqu'il se retourna, son regard s'attarda pour me détailler avec insistance - une fois de plus -.

Le premier tableau projeté représentait une pièce à vivre richement décorée. Les personnages au centre étaient en pleine dégustation de mets, les joues rosies par le vin. Plus excentrés, se tenaient des protagonistes souriant et parlant avec les mains. La dominance du jaune apportait un côté terne et sans vie à cette œuvre. Toutes les présentations se ressemblaient là où les artistes recherchaient de l'originalité. Ce fut à ce moment-là que je me réfugiai dans mes pensées désordonnées. Je ne discernai plus les voix environnantes.

La répétition d'un mot familier me sortit de mes divagations. Pas un mot. Un prénom. Mon prénom chuchoté dans plusieurs bouches.

- On dirait Elia ! Chuchota une voix à droite.

- Elia nous avait caché ses origines apparemment.

- Enfin... Elia est moins jolie ! cracha une autre voix en faisant claquer sa langue.

A l'égard du TempsWhere stories live. Discover now