Chapitre 10 - Corrigé

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Ses longs doigts entourèrent la petite tour blanche avec précaution et dans un mouvement habile, il prit la dernière pièce maîtresse du joueur face à lui.

- Echec et Mat.

Sa voix grave se répercuta dans la salle et redonna du rythme à ses occupants. Les spectateurs ramassaient leur gain ou bien se morfondaient d'avoir misé sur le mauvais cheval. Et les deux adversaires, quant à eux, semblaient ravis de leur moment partagé. Ils se firent une accolade masculine qui fit ricocher la tresse du Vicomte sur son dos. Ce balancier de jais innocent était d'une sensualité étonnante. Un souffle m'échappa tandis que mes yeux prirent la peine pour la première fois de scruter ce long corps.

Je laissais traîner le bout de mes doigts sur le jeu à mes côtés, et une écharde en perça mon index . Apportant le doigt à mes lèvres pour en extraire le corps inconnu, je me ravisai devant le regard fiévreux de l'homme à la cicatrice qui s'était retourné. Il fixait ma main resté à hauteur de ma bouche. Sa pomme d'Adam glissa lentement le long de sa gorge. J'humectai mes lèvres sèches faisant pointer le bout de ma langue.

Mais d'un coup, un homme renversa le contenu de son verre dans des éclats de glace. Je sentis sur mes chevilles le liquide gicler en gouttelettes. Natalia poussa une légère exclamation et fit un pas en arrière. Trop abasourdie, je ne fis rien de tel. Cependant, un sentiment de confusion immergea lorsque l'homme demanda comme si les dernières secondes n'avaient existé que pour moi :

- Bien le bonjour Mesdames. Pouvez-vous rassasier ma curiosité et me dire pourquoi un tel lieu de rendez-vous?

Il posait la question qui trottait dans ma tête aussi. Le nombre de femmes présentes se comptaient sur une main. Elles étaient exclues des compétitions et jouaient entre elles, les

hommes refusant de les affronter en les accusant de mensonges et de perfidies pour gagner. Puis la réalité me sauta au visage à l'entente de la voix malicieuse de Natalia.

- Car c'est un merveilleux lieu pour prendre du bon temps, ne trouvez-vous pas Monsieur le Vicomte de Nicolay ?

Elle était en train de tester le Vicomte sur ses mœurs envers les femmes, pour voir s'il ferait un bon acolyte lorsqu'elle ne serait plus là. Je me tournai à mon tour de façon espiègle vers notre nouvel ami qui était devenu une souris entre nos griffes de chat.

- Souhaitez-vous faire une partie en ma compagnie, monsieur le Vicomte ?

Sa réponse fusa instantanément, sans aucun moment de réflexion.

- UniquementsivousnecraignezpasdeperdreMadame,jenesauraivouslaissergagnerpar galanterie.

Je m'installai sur la place chaude occupée plus tôt par son rival et repositionnai minutieusement les pions. Monsieur Rossi m'avait appris l'art de ce jeu de stratégie ; et il était un ennemi redoutable.

- Les blancs commencent, je vous prie de les prendre Madame.

- Serait-cefinalementlagalanteriequioccupevotreesprit?

Il avança alors le cheval blanc, mettant fin à tout débat. Notre partie dénuait d'intérêt tous les clients qui ne voulaient point voir la fourberie de féminine. Ou était-ce la lenteur de la partie ? J'analysais chacun de ses déplacements ne trouvant aucune logique. Le nombre de pièces blanches en dehors du plateau finit par dépasser celui des pièces noires.

- Si je gagne, me révèlerez-vous d'où vous provient ce charmant accent ?

- Et si je gagne, me révèlerez-vous pourquoi être venu jusqu'à la Capitale juste pour me voir ?

A l'égard du TempsWhere stories live. Discover now