Chapitre 11 - Corrigé

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Ce matin était aussi difficile que les précédents. Je rabattis l'épaisse couverture sur ma tête et repliai mes jambes vers mon buste tel un foetus. Mon lit ne me sembla jamais aussi doux qu'en ce moment même. Au prix d'une cinquième nuit blanche, mes recherches pour mon mémoire de fin d'année étaient presqu'à jour. Malgré tout le travail que je fournissais, l'ennui me rongeait petit à petit. Je me lassais déjà de cette routine platonique que j'avais retrouvé depuis seulement six jours, depuis la fin des vacances et le retour à l'université. L'alarme sonna encore plus fort, m'obligeant à me lever dans un râle. Je refermai mon lit dans sa position initiale de canapé, rangeai mes dernières feuilles noircies par l'encre avant de croquer dans une brioche. Je jetai un dernier coup d'oeil à mon studio et mis mon sac sur le dos prête à partir.

Les écouteurs enfoncés dans les oreilles, la musique s'alliait aux champs qui déferlaient devant ma vision. Le train parcourait les centaines de kilomètres qui me séparaient de ma maison familiale. Je fermai les yeux me laissant envahir par le souvenir d'ombrelles et de cannes défilant dans les rues pavés. Par Natalia tournoyant au milieu des passants, le visage caché sous son chapeau plat. Par un regard ombragé qui fixe un ciel de la même couleur.

Mes parents m'attendaient à la sortie de la gare et me recueillirent dans leurs bras grand ouvert. Nous nous engageâmes sur les routes pour rejoindre la campagne de mon enfance.

- Tu as trouvé ton stage ? Tu ne me l'avais pas dis ! S'exclama ma mère étonnée.

- Je l'ai trouvé il y a presque un mois maintenant. J'ai dû oublier de te le dire, désolée maman.

- Ce n'est rien ma puce, je comprends qu'on ne veuille pas tout dire à ses parents. Ta soeur... ta soeur ne nous disait rien non plus. Mais tu peux me parler de tout, tu le sais n'est-ce pas ?

Sa voix sur le point de se casser ébranla les barrières autour de mon âme. Je baissai les yeux pour ne pas qu'elle y descelle le remord grandissant en moi. Je ne l'avais pas incluse dans la

plus incroyable aventure de ma vie, l'éloignant un peu plus de moi à chaque mensonge. Je surpris le regard scrutateur de mon père dans le rétroviseur qui se reconcentra sur la route pour ne rien dévoiler de mes secrets inavoués.

- C'est un laboratoire de recherches à Versailles, je les aide dans la recherche des archives historiques.

- Super ! Qu'as-tu fait de tes vacances ? Continua-t-elle sa curiosité insatiable.

- J'ai travaillé pour mon mémoire, il me prend beaucoup de temps en ce moment !

Un mensonge de plus.

- Tu aurais pu travailler de la maison, on aurait regardé Les Noces Funèbres comme chaque année.

- Il n'est pas trop tard, on peut toujours le regarder ce soir !

Un bonheur fugitif traversa son expression et mit du baume à mon cœur. Je voulais qu'elle soit heureuse, mais à force de toujours penser au bonheur des autres j'en oubliais trop souvent le mien. Lorsque je venais à me concentrer sur mes envies, une culpabilité m'accablait. Fuir la maison familiale a été mon échappatoire, aussi lâche fut ma décision. J'avais besoin de trouver ma liberté, comme elle l'avait fait avant moi.

L'odeur familière du bois et du foin ne voulait dire qu'une seule chose, nous étions arrivés. Je courus jusqu'au jardin, laissant mon sac aux soins de mon père, pour retrouver notre chienne. Elle était folle de joie, sautait et tournait partout autour de moi. Elle me poussa si fort que j'en tombai à la renverse dans l'herbe humide. Je riais avant d'éclater en sanglot. Ce n'était pas de la tristesse, c'était une explosion d'émotions. Je n'avais pas mal physiquement. J'avais mal partout où mon cœur battait en déversant sa vie en moi. L'accumulation des derniers

A l'égard du TempsWhere stories live. Discover now