52 - Séraphine

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« La soumise doit répondre en toute honnêteté à toute question que lui posera le Dominant. Le mensonge est proscrit et est considéré comme l'une des fautes graves, qui en cas de décision du Dominant, peut mettre fin au contrat avant la date prévue. »

Je relis encore et encore la phrase, mais elle refuse de rentrer tel quel. Mon cerveau la transforme a sa sauce avant que ma bouche ne la recrache. Je fais apprendre des poésies par cœur à mes élèves et me voilà incapable de faire de même, quel culot! Pourtant j'y arrivais très bien avant, alors pourquoi ça ne reste pas gravé dans la mémoire? Mon inconscient cherche-t-il a ce que je me fasse punir?!
Nous sommes jeudi. Ce soir, je revois Léandre, et sûrement ses deux soumises. Il m'avait prévenu qu'il m'interrogerait...

-Maîtresse?

Je sursaute presque en entendant cette voix enfantine à côté de moi et cache précipitamment le contrat sous une pochette qui traîne sous mon bureau.

-Oui Mathéo?
-J'arrive pas ça.

Il pointe du doigt son coloriage magique, visiblement désespéré. Je souris et lui prend.

-Quelle case te pose problème dis-moi?
-Elle. Et elle aussi.

Je me mets à lui expliquer comment il doit utiliser ses tables de multiplications pour pouvoir trouver le résultat et donc obtenir la bonne couleur et finalement la bonne réponse lui vient naturellement. Il retourne à sa place tout content et se met à expliquer la réponse avec fierté à sa voisine de table.
Je regarde l'heure. 16h22.
Je demande à mes élèves de ranger leurs affaires. Une grande moitié me suit pour rejoindre leurs parents tandis que la seconde va avec une de mes collègues pour l'étude du soir.
Aujourd'hui je ne suis pas chargée de l'étude. Ma journée est finie, et tant mieux, je suis épuisée. Depuis ma nuit chez Léandre je n'arrive plus à dormir paisiblement, je suis complètement frustrée et je ne pense qu'à lui et à ce que j'aimerais qu'il me fasse. Me masturber me soulagerait c'est évident, mais pour une raison que j'ignore je ne désobéis pas. Je pourrais le faire sans qu'il le sache bien-sûr... mais non. Et je pourrais également lui demander la permission... mais ma fierté s'y refuse. Je ne sais pas si je redoute ou si j'attends avec impatience nos retrouvailles, mais quoi qu'il en soit, dans quelques heures je serai de nouveau face à lui.

-C'est elle ta maîtresse?

Cette phrase que j'entends sur ma gauche me sort de mes pensées. Décidément aujourd'hui j'ai du mal à rester ancrée dans la réalité de l'instant.
Je tourne mon visage vers la voix. Un homme tient Léonie par la main - sans doute son père- et au vue de son expression faciale et du ton qu'il a employé, je sens que cette rencontre parent-prof ne va pas être une partie de plaisir.

-Oui c'est moi. Est-ce que je peux vous aider monsieur?
-T'as quel âge?

Est-ce que j'ai bien entendu?

-Pardon?
-Tu-as-quel-âge? Elle est sourde en plus d'être conne ta maîtresse ou quoi?

Mon regard et celui de l'homme se tournent vers la petite Léonie qui est aussi rouge qu'une tomate et de toute évidence désireuse de disparaître.
Je réponds d'un ton neutre mais ferme:

-J'ai 25 ans. Il y a un problème?
-25 ans et t'es prof? On confit nos enfants à une gamine et on se demande pourquoi l'éducation nationale devient n'importe quoi?! Tu as crié sur ma fille! Pour qui tu te prends au juste?

Hum... soudain je pense comprendre à quoi il fait référence.

Le volume de ses phrases augmente peu à peu. Bientôt il sera entrain d'hurler. Je dois rester calme. Ne pas rentrer dans son jeu. Ne pas rentrer dans son jeu.

-Je n'ai pas crié sur votre fille. Mais oui, je l'ai sermonnée. Elle avait volé le livre d'un de ses camarades, ce n'est pas un comportement que je peux cautionner.
-Tu traites ma fille de voleuse?!
-Tout d'abord je ne vous autorise pas à me tutoyer. Ensuite, si vous acceptez de la part de votre fille le vol, ce n'est peut être pas elle que j'aurais dû gronder, mais vous.

L'homme marque une pause, visiblement choqué par ce que je viens de dire, comme si je ne pouvais pas être capable de sortir de tels mots. Et puis, il retrouve l'usage de la parole, et c'est alors un flot d'insultes irréfléchies qui franchissent ses lèvres dans des hurlements stridents:

-...Espèce de grosse pétasse de merde! Sale pute boufeuse de chattes! Grosse truie!

Il ne me touche pas, mais s'il le pouvait, si nous étions seuls, il me frapperait.
Tous les parents, tous les enfants, tous les professeurs regardent dans notre direction, sans bouger, en silence. Et moi je suis figée, complètement tétanisée par une telle violence. Comment peut-on parler ainsi à la professeure de son enfant. Comment peut-on parler ainsi à qui que ce soit?!
Je ne suis pas en colère, je ne suis pas triste. Je suis simplement choquée, étouffant dans l'incompréhension la plus totale. Qu'est ce que j'ai fait? Qu'est ce que j'ai fait de vraiment mal pour me faire traiter ainsi par un parfait inconnu?! Et pourquoi ne s'arrête-t-il pas?! Il m'insulte. Encore. Encore. Encore. Je suis désespérée, désemparée, sidérée.

Et puis, soudain, une main vient s'abattre sur l'épaule de l'homme. Il fait alors volte-face, et avant que je ne comprenne ce qui se passe, un genoux vient finir sa course entre les cuisses de l'homme qui tombe alors à genoux dans un couinement plaintif.

Menottes et Panache (en pause) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant