54 - Léandre

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Je suis en pleine réunion lorsque mon téléphone sonne avec le prénom de Blanche qui apparaît. Elle ne m'appelle jamais sans raison lorsqu'elle sait que je suis occupé, alors je m'excuse au près de mes collaborateurs et décroche en quittant la pièce.

-Blanche?
-Maître! Oh Maître... je... oh...

La panique dans sa voix est vertigineuse et les mots n'arrivent pas à sortir de sa bouche. Des sanglots montent en elle et font saturer le son.

-Blanche calme-toi, c'est un ordre. Dis-moi ce qui se passe.

Lui ordonner de se calmer marche vraiment avec elle, parce qu'elle cesse de trop réfléchir pour se contenter d'obéir, et généralement elle parvient ainsi à retrouver son calme.

-Je... Maître venez, s'il vous plaît... je crois que j'ai fait quelque chose de grave je... je ne veux pas qu'on me sépare de vous!

Soudain j'entends en fond une seconde voix que je reconnais immédiatement:

-Calme-toi, personne ne sait que c'est toi, il ne va rien t'arriver.
-Blanche. Passe-moi Séraphine.
-Maître s'il vous plaît rentrez, Maî...
-Passe-moi Séraphine!

Elle obéit.

-Allô?
-Que se passe-t-il?!
-Rien. Blanche est venue à la sortie de ma classe. Un parent m'a... insulté et Blanche lui a mis un coup de genoux dans les... parties. Ce n'est pas grave, ce n'est rien, je vais gérer la situation.
-Où êtes-vous?
-Chez vous. Mais vraiment pas la peine de s'inquié...

Je la coupe avec rudesse:

-Je rentre immédiatement.

Je raccroche.
Je vais m'excuser au près de mes collaborateurs sans m'étaler sur les raisons de mon départ précipité et quitte mon bureau. Je prends ma voiture et au volant je dois me contrôler pour ne pas rouler comme un chauffard.
Je ne sais pas si je suis davantage en colère ou inquiet et je déteste ça, contrôler mes émotions est un de mes points fort et lorsque je sens que le contrôle m'échappe cela m'est insupportable.
Tandis qu'il me faut une bonne demi-heure en général pour aller de chez moi à mon travail, je rentre cette fois-ci en moins de vingt minutes.

Lorsque je rentre, d'un pied ferme, je trouve Blanche - en pleurs- et Séraphine assises côte à côte sur le canapé.
En me voyant, Blanche se lève aussitôt dans un nouveau sanglot et s'apprête à courir dans les bras mais je l'arrête d'un geste de la main.

-Assise.

Elle s'exécute, tremblante.
Séraphine, qui essayait visiblement jusqu'ici de la calmer et de la réconforter (sans succès) se lève à son tour et commence à vouloir m'expliquer la situation mais elle aussi, je l'arrête, le regard sévère:

-Ça vaut aussi pour toi.
-Mais je...
-Pose ton cul sur ce canapé et ne parle que si je te le demande.

Elle marque un temps, mais obeit également.
Je les observe un instant. Blanche a les yeux baissés et le visage enfouit dans les mains tandis que Séraphine me fixe, sa main caressant le dos de Blanche. J'ai l'impression de voir Ysée...

Finalement j'interroge Blanche:

-Arrête de pleurer, et explique-moi.

Elle s'apprête à ouvrir la bouche mais je sens que c'est un nouveau sanglot qui va sortir alors je la reprends:

-Blanche!
-Pa...pardon Maître...

Elle se mouche, respire profondément, les yeux toujours gonflés et rouges puis se lance enfin.
Elle me raconte l'histoire, chaque détail, chaque émotion qui l'a traversé. Une soumise se doit de ne rien cacher à son Maître, pas même ses sentiments, une esclave d'autant plus, et elle le sait parfaitement, alors elle me dit tout. Absolument tout.

Lorsqu'enfin, elle termine son récit, je me tourne vers Séraphine:

-Qui était-ce? Cet homme.
-Un parent d'élève. Je... n'ai pas compris ce qui se passait. J'étais là, à la sortie des classes, et il s'est mis à me hurler dessus... à m'insulter si violemment... je n'avais rien fait qui puisse justifier... « ça ».

Elle me répond les yeux dans le vague, comme si elle avait encore du mal à réaliser ce qui s'était passé. Et si jamais je ne remets en doute la parole de Blanche, j'ai tout autant envie de croire Séraphine qui a l'air, en plus d'être sincère, particulièrement touchée par ce qui est arrivé.
J'imagine la scène. Cet homme. Ses insultes. Sa jeune fille. La tétanie de Séraphine. La réaction de Blanche. Oh Blanche...

Elle sanglote toujours, recroquevillée sur elle même, et relève ses yeux emplis de terreur vers moi avant de murmurer:

-Ne soyez pas en colère, je vous en supplie, je n'ai pas réfléchi, je suis tellement désolée, je ne veux pas aller en prison, je ne veux pas qu'on me sépare de vous...

Oh Blanche...
Elle a peur, je devrais la réconforter autrement je le sais, mais pourtant je ne peux empêcher mes lèvres de s'étirer en un sourire, qui se change lui même en un éclat de rire incontrôlable.
Blanche et Séraphine me fixent, perplexes, mais je ne peux m'arrêter, tant imaginer ce connard couiner à genoux sur le sol me fait mourir de rire.

Oh Blanche, Blanche, Blanche...
Je ris. Encore.
Elle me croit en colère, comment pourrais-je l'être?! Je suis si fier. Elle, si apeurée, si fragile. Elle s'est battue, a frappé un homme, comme ça, pour protéger une femme qu'elle connaît à peine. Je ris, parce qu'elle se croit si faible, et pourtant si elle savait. Si elle savait à quel point elle est forte, à quel point elle est majestueuse, à quel point elle est une survivante après tout ce qu elle a vécu, et que je suis tellement fier d'elle, et que je l'aime tant.

-M...Maître...?
-Oh Blanche!

Dans un dernier éclat de rire je lui saute de dessus et la soulève du canapé pour la faire tournoyer dans les airs. Puis je la repose au sol et l'embrasse. Passionnément.

Menottes et Panache (en pause) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant