Chapitre 4

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George était là, devant moi, celui que j'ai fui par le passé. Il me mettait particulièrement mal à l'aise, en dépit de son sourire aligné et ses joues rosées après s'être pressé.

Il est mort.

Pas physiquement, mais à l'intérieur. Sans âme, ni émotion.

Son physique et ses bonnes manières ressemblent tout bonnement à ces fils qu'on voit par milliers dans les quartiers chics et bourgeois. Propre sur lui avec une politesse qui frise l'hypocrisie.

Le revoir me fait légèrement frissonner, mon sang bouillonne de colère. Tout s'est ravivé en un instant alors que cela s'était produit il y a quatre ans.

J'essaye de rester en place, pour ne pas montrer mes émotions qui peuvent transparaître sur mon visage ainsi que sur mon corps qui avait été secoué.

- C'est décidé, j'ai fait mon choix. Merci George d'être venu.

- Tu sais très bien que je ferais absolument tout pour toi, dit-il en me regardant du coin de l'œil. En plus, Camille est une vieille amie, on se connaissait déjà quand j'étais à la fac. Ça fait longtemps qu'on ne s'était pas vu alors, je me disais que je pouvais venir. On a beaucoup de choses à se dire.

M. Bernard, a dû mal comprendre, parce qu'il se précipita pour rejoindre la sortie de mon bureau.

- Je dois y aller. J'ai d'autres rendez-vous qui m'attendent. Au revoir.

George me fixa quelques secondes en silence, on pouvait entendre les pas de son parrain raisonner et par la même occasion le voir défiler tout le long du couloir pour prendre l'ascenseur.

- Tu y es arrivée finalement, à être architecte d'intérieur, je me souviens que c'était ton rêve.

Je ne peux me contenir, toute ma colère se concentre sur les prochains mots que je m'apprête à sortir.

- Qu'est-ce que tu fiches ici ? Tu n'es pas venue pour me sortir des banalités pareilles !

- Ma famille emménage ici, j'ai l'œil sur toi. Je ne voudrais pas entendre des rumeurs bizarres me concernant. De l'eau est passée sous les ponts depuis le temps, et puis tu n'as pas l'air d'avoir une rancœur contre moi.

- Tu es venu juste pour me dire ça ? Tu pouvais t'abstenir.

- Je te préviens juste, tu sais à quel point je peux avoir le sang chaud.

Après le départ de George, je ne pouvais travailler tranquillement. Je montais et descendais les marches des escaliers, je n'arrivais pas à rester calme. J'avais comme un tic-tac de cocotte-minute dans la tête. Qui ne manquait que la sonnerie pour enfin me libérer de ce tourment ? Avec une idée.

Je ne pouvais pas rester là à ne rien faire, il fallait que je me défende.

Mais me replonger dans mes instincts les plus profonds me faisait réfléchir sur la décision que j'avais prise il y a quelques années.
Est-ce que fuir n'avait pas été lâche de ma part ? Penser qu'en emménageant dans cette ville comme si c'était une nouvelle vie qui s'offrait à moi n'était pas naïf ?

J'étais obligée de reconnaître que si George s'était installé à Grilly, ça m'obligeait à reprendre contact avec tout ce que j'avais toujours essayé d'éviter depuis que je suis ici. Au plus profond de moi, cette porte noire.

Le tourment d'une erreurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant