Chapitre 20

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Harry eut un sourire presque enfantin.

— Alors tu es vraiment heureux, depuis que tu es ici ?

Drago haussa un sourcil, un peu surpris. Il hocha la tête, perplexe.

— Contrairement à toi, je n'ai pas la vocation d'un martyr. Il y a eu des moments... difficiles, mais rien de vraiment insurmontable. J'aime ma librairie, j'aime ce que j'en ai fait. Tu imaginais quoi ? Que je haïssais chaque minute depuis mon départ ? Que je rêvais de récupérer ma vie d'avant ?

Harry renifla et marmonna, tout en rougissant légèrement.

— Il y a un fossé entre ce qu'on veut faire et ce qu'on doit faire. Crois-moi, j'en sais quelque chose.

Puisqu'il n'avait pas vraiment de réponse adéquate à apporter, Drago resta silencieux et regarda autour de lui, avec une grimace ennuyée.

— Donc, je dois préparer des affaires, n'est-ce pas ?

Harry hocha la tête, sans le quitter des yeux.

— Tu peux mettre cet appartement en location, si tu veux. Ou le garder inoccupé. S'il y a des choses dont tu as besoin, nous pourrons les acheter facilement.

Drago lui jeta un regard agacé.

— Je gagne ma vie, Potter. Je n'ai pas vraiment besoin d'être... entretenu.

Harry grogna et marmonna, mais Drago perçut parfaitement ses paroles.

— Tu étais moins pénible quand tu pensais que tout t'était dû...

Drago avait rassemblé ses affaires en un temps ridiculement court. En dehors d'une caisse de livres — usés tant ils avaient été lus — et de ses vêtements, il ne possédait pas grand-chose.

Il hésita à prendre le peu de vaisselle qu'il avait dans ses placards, mais Harry avait affirmé que le nouvel appartement avait une cuisine parfaitement équipée. Drago prit donc uniquement un mug qu'il avait reçu en cadeau d'un de ses clients, pour le remercier d'avoir trouvé un livre rare qui lui tenait à cœur.

Harry l'avait observé avec attention, mais il n'avait pas posé la moindre question. À plusieurs reprises, Drago avait noté de la curiosité dans ses yeux, mais le jeune homme n'avait rien demandé.

En partant, alors qu'il verrouillait la porte, Drago sentit son cœur se serrer. Cet appartement comptait beaucoup pour lui, probablement parce que c'était ici qu'il avait enfin trouvé la paix.

Harry sembla sentir son désarroi, puisqu'il posa une main légère sur son épaule. Ils restèrent silencieux durant le trajet — ridiculement court — entre les deux appartements. Ils transportaient les livres de Drago et son sac de vêtements à la main, le sort discret d'allégement que Harry avait jeté aidant beaucoup.

Avec un léger choc, Drago se rendit compte que Harry avait choisi un immeuble qui faisait presque face à sa librairie. Il leva la tête pour regarder les balcons, se demandant s'il verrait son magasin depuis la fenêtre quand Harry eut un bref sourire.

— Le salon donne de ce côté et il y a une vue dégagée sur ton magasin. Nous sommes au cinquième étage.

Secouant la tête, le jeune homme ne posa pas la moindre question. Il y avait un léger sentiment d'irréalité à suivre Harry Potter dans ce qui serait leur logement pour les mois à venir.

Il y aurait peut-être un moment où il surmonterait cet état d'hébétude et où il aurait des questions à poser, mais pour l'instant, il préférait suivre le mouvement et rester dans cette torpeur bienvenue.

L'appartement en lui-même était simple et fonctionnel. Très grand également.

En entrant, Drago regarda autour de lui, un peu perdu. Les murs étaient clairs et il y avait très peu de meubles. C'était terriblement impersonnel, comme un appartement témoin provenant d'une brochure d'agence immobilière.

Harry se dandina d'un pied à l'autre, évitant son regard avec soin.

— Tu pourras décorer comme tu veux, je ne suis pas vraiment difficile.

Drago avança un peu plus dans le salon, pour se diriger vers la fenêtre. Un coup d'œil lui confirma que Harry n'avait pas menti : sa boutique était parfaitement visible et voir la devanture le soulagea légèrement.

Il eut pitié de Harry, qui semblait ne pas savoir comment se comporter, et il murmura, avec douceur.

— Où dois-je mettre mes affaires ?

Harry se redressa et lui désigna un petit couloir.

— Les chambres sont par là. Tu peux choisir celle qui te plaît le plus, je n'ai pas de préférence.

Drago arqua un sourcil surpris et il hocha légèrement la tête, avançant dans la direction indiquée. Il y avait deux chambres spacieuses, face à face, parfait miroir l'une de l'autre. Il y avait également une petite pièce vide et une salle de bains.

La voix de Harry le fit presque sursauter.

— J'ai pensé que la pièce en plus pourrait être un bureau. Je suppose que tu auras des trucs comme de la comptabilité ? Enfin tout ce qui concerne la gestion de ton magasin ?

Drago haussa les épaules.

— Habituellement, je le fais à la librairie. Mais pourquoi pas ?

Harry sembla soulagé et il hocha la tête.

— Je te laisse t'installer. J'ai... Je vais chercher mes affaires.

Drago hocha lentement la tête et il ne sursauta même pas quand Harry transplana depuis l'intérieur de l'appartement. Il aurait dû se douter qu'il avait prévu de pouvoir utiliser les moyens de transport sorciers, puisqu'il allait lui aussi vivre à cet endroit.

Confus, Drago posa le peu d'affaires qu'il possédait dans l'une des chambres, mais il n'osa pas encore s'installer.

Puisqu'il était seul, il continua l'exploration de l'appartement, découvrant la cuisine, ainsi qu'une petite buanderie, pourvues de tout le confort moderne.

Un peu désœuvré, il se dirigea vers le salon, attiré par les fenêtres, et il fixa sa librairie. Il était impatient de pouvoir réouvrir, de recevoir ses clients habituels et de retrouver son rythme de travail.

Il connaissait assez Harry pour savoir qu'il était sincère lorsqu'il affirmait qu'il ne l'empêcherait pas de retourner travailler. Il n'était pas assez cruel pour le faire emménager juste devant sa boutique et lui interdire de s'y rendre.

Par contre... c'était quelque chose que lui aurait pu faire, dans son ancienne vie. Cette idée le rendit presque malade et il ferma les yeux en posant son front contre la vitre glacée.

Il pouvait prétendre qu'il ne se rendait pas compte à l'époque. Qu'il était jeune, qu'il suivait l'exemple de son père.

La vérité était bien moins glorieuse. Une part de lui avait conscience de son comportement détestable, mais il s'en moquait. Sept ans plus tôt, il se pensait supérieur aux autres et il n'avait pas pour habitude de penser aux conséquences de ses actes. Il avait fallu qu'un de ses camarades meure brûlé dans un feudeymon sous ses yeux pour qu'il comprenne...

Sous TutelleNơi câu chuyện tồn tại. Hãy khám phá bây giờ